Le début de la fin
Malgré quelques soubresauts, les marchés boursiers sont en chute libre. Et même si la débandade occupe les médias depuis les deux dernières semaines, elle a réellement débuté en septembre dernier quand Obama a devancé McCain lors de la campagne présidentielle. Depuis, l’indice S&P 500 a dégringolé de 35,4%. Le Dow Jones a perdu presque 20% depuis l’élection du 4 novembre. Durant la seule journée du 21 novembre, il a perdu 6,5% après que le nouveau président eut nommé Thimothy Geithner comme Secrétaire au Trésor.
Ce n’est pas tout. La performance du Dow Jones au cours du mois de janvier a été la pire des 113 dernières années. Quant au plan de 789 milliards qu’Obama a signé il y a une dizaine de jours, il a fait de nouveau plonger le Dow Jones de 6,5%.
Évidemment, comme la quasi-totalité des analystes et des commentateurs sont béats devant le sourire du nouveau président, ils nient qu’un lien puisse exister entre la débâcle boursière et la nouvelle administration. Ils préfèrent proposer des explications aussi décousues que futiles, comme le manque de précision du plan de relance.
La réalité est pourtant simple. Si les marchés n’en finissent plus de s’écrouler, et si les plans de relance sont mal accueillis, c’est que les millions d’investisseurs n’apprécient ni la nouvelle administration ni ses initiatives pour stimuler l’économie.
Peut-on les blâmer? Obama, le Lucky Luke de la Maison-blanche, dépense plus vite que son ombre. Si on additionne tous les plans de relance, on atteint un total mirobolant d’environ 8000 milliards. Il faudrait dépenser dix millions par jour pendant presque 2 000 ans pour atteindre ce chiffre! Et comme ils seront en partie financés par l’impression de monnaie, il faut s’attendre à une inflation importante d’ici 12 à 18 mois. Et qui dit inflation, dit dévaluation de la monnaie. N’est-il donc pas logique que les investisseurs boudent la bourse et se tournent vers les valeurs sûres, comme l’or?
Si l’on tient compte de toutes les obligations, actuelles et futures, du gouvernement américain, y compris la sécurité sociale et les régimes publics de soins de santé, on arrive à 65 000 milliards. C’est plus que le PIB mondial! Concrètement, cela signifie que l’Oncle Sam est en faillite.
Les marchés boursiers en sont conscients et ils lancent un message clair. Ils ne veulent pas d’un gouvernement qui s’endette sans réfléchir. Ils n’apprécient pas que la Réserve fédérale poursuive une politique inflationniste. Ils n’approuvent pas que les contribuables soient forcés de secourir des constructeurs automobiles inefficaces ou des banquiers irresponsables. Ils se méfient d’un Sénat qui autorise un plan de relance de plus de 1000 pages sans même l’avoir lu. Ils n’admettent pas qu’au nom de la crise économique, on envisage de nationaliser des banques. Ils ne comprennent pas que leurs dirigeants, plutôt que de tirer des leçons de l’échec des efforts de relance du Japon dans les années 1990, s’apprêtent à reproduire les mêmes erreurs.
Des millions d’investisseurs constatent que l’Amérique renie tous les principes qui lui ont permis de devenir une puissance économique, et ils ont peur. Ils voient l’Oncle Sam prendre le virage socialiste, et ils préfèrent prendre la fuite. Ils constatent que leurs dirigeants prennent des décisions politiquement rentables, mais économiquement désastreuses, et ils sont écoeurés. Les bourses ne s’effondrent pas parce que les investisseurs saisissent mal les plans de relance. Elles s’écroulent parce qu’ils ont trop bien compris dans quel bourbier l’Amérique s’enfonce!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.