Des médias et gouvernements alarmistes
La crise économique actuelle est une crise de confiance. Diverses innovations financières ont permis aux institutions et aux entreprises détenir des titres, PCAA et autres, habituellement très liquides, comme substituts rentables aux dépôts bancaires traditionnels. Lorsque certains de ces titres, adossés à des prêts hypothécaires à haut risque, sont devenus non liquides, une méfiance contagieuse s’est développée, entraînant une dévaluation d’actifs, elle-même exacerbée par des règles trop rigides de valorisation aux prix du marché (mark-to-market).
C’est comme si une partie importante de la masse monétaire s’était volatilisée, et avait provoqué une crise de liquidité, une course vers les encaisses et une augmentation des risques de contrepartie.
Malgré une intervention musclée des banques centrales, la perte de confiance et la peur de la faillite se sont généralisées : les banques ont cherché à renflouer leurs réserves et à augmenter leurs capitaux propres, rendant plus difficiles conditions de crédit.
Parallèlement, trop de médias et de gouvernements sont devenus alarmistes et finissent par nourrir la perte de confiance, accélérant et amplifiant la crise. N’oublions pas que la confiance reste le plus important mais le plus fragile capital social dans une économie. Nourrir la confiance est bien plus difficile qu’alimenter les peurs, rationnelles ou non. Ainsi, sans nier les difficultés, il faut les rapporter dans le bon contexte et sans exagération.
Dans le New York Times du 27 janvier, la journaliste Catherine Rampell écrivait: «Après une année de récession, les entreprises de tous les secteurs ont recours à des mises à pied massives. Home Depot, Caterpillar, Sprint Nextel et au moins huit autres sociétés ont annoncé, lundi, qu’elles supprimeraient plus de 75 000 postes aux États-Unis et ailleurs dans le monde.» Le début de la récession américaine, définie comme une baisse de l’activité économique, a été fixé à décembre 2007 par le National Bureau of Economic Research, sur la base surtout des statistiques sur l’emploi. Mais, en terme de baisse du PIB réel pendant deux trimestres consécutifs, elle n’aura commencé qu’au 3e trimestre de 2008.Par ailleurs, au cours des 63 trimestres entre le troisième trimestre de 1992 et le premier de 2008, le nombre d’emplois créés et perdus, y compris les emplois déplacés, se sont élevés respectivement à 7,9 et 7,5 millions en moyenne par trimestre, avec 1,81 million d’établissements créant des emplois et 1,8 million en perdant. Il aurait été souhaitable, dans les circonstances, que la journaliste situe la nouvelle dans ces contextes.
Contrairement au discours actuel des médias (Radiojournal de la SRC du 30 janvier: «Le Canada s’enfonce dans la récession») et de nos politiciens, le Canada n’est pas officiellement récession, le PIB réel ayant poursuivi sa croissance au 3e trimestre de 2008. Quant à l’ensemble des gouvernements, leurs plans de relance, trop souvent mal conçus sous les pressions sociales et politiques, pourraient devenir un véritable accélérateur de la crise économique en contribuant à la perte de confiance à court et à long termes.
Ceci est ma dernière chronique. Merci à tous ceux et celles qui m’ont lu et fait parfois part de leur commentaires.
Marcel Boyer est vice-président et économiste en chef de l’Institut économique de Montréal.