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Textes d'opinion

Le père Noël

J’ai une question sérieuse à vous poser. Supposons que le père Noël, dans un élan de générosité, décide d’offrir une voiture à chaque Canadien. Devrions-nous l’accepter?

J’ai posé la question à mon entourage. Mon enquête n’est pas très scientifique, j’en conviens, mais les répondants sont unanimes ils accepteraient tous le cadeau du Père Noël sans hésitation. Je suis même prête à parier ma prochaine paie que tous les lecteurs de cette chronique en feraient autant. Et c’est normal!

Au lieu de dépenser 400 $ par mois pour financer l’achat d’une nouvelle auto, le geste du père Noël nous permettrait à la fois de conduire une voiture neuve et d’avoir 400 $ dans notre poche que nous pourrions dépenser comme bon nous semble. Le cadeau du père Noël permettrait donc à chaque Canadien de s’enrichir de 400 $ par mois.

Malheureusement, le père Noël n’existe pas. Mais si nous pouvions obtenir des autos à 200 $ par mois plutôt qu’à 400 $, ce serait pas mal non plus, non? Non seulement pourrions-nous acheter notre voiture, mais nous disposerions également de 200 $ par mois pour aller au cinéma et s’offrir un bon repas. Eh bien, ce sera bientôt possible.

On apprenait récemment que Chrysler a signé un accord de partenariat avec le constructeur automobile chinois Chery Automobile. Il prévoit commercialiser dès 2008 une petite voiture fabriquée en Chine: la A1. Déjà vendu en Chine, ce modèle coûte 7 100 dollars, soit la moitié moins que le Dodge Caliber, la voiture la moins chère commercialisée par Chrysler.

Une pareille nouvelle n’a pas tardé à en faire sursauter plus d’un. Bien entendu, les travailleurs québécois et canadiens du secteur de l’automobile sont mécontents et inquiets. On peut comprendre pourquoi.

Pouvoir d’achat

Mais ce qui est surprenant, c’est que parmi ceux qui accepteraient volontiers le cadeau du père Noël, certains affirment qu’il faudrait limiter les importations de voitures chinoises, voire les interdire. Pourtant, la logique demeure la même. Qu’il s’agisse du cadeau du père Noël ou d’importations bon marché, vous et moi verrons notre pouvoir d’achat augmenter.

Il est d’ailleurs très ironique de constater que tous les groupes qui s’opposent à la mondialisation prétendent également se préoccuper du sort des moins bien nantis. Or, on ne peut simultanément chercher l’amélioration du niveau de vie des plus pauvres et réclamer des mesures protectionnistes. Fermer les frontières aux importations bon marché oblige les consommateurs à payer plus cher pour se procurer la production locale. Or, personne ne s’enrichit quand les prix augmentent!

Produits chinois très appréciés

On peut critiquer la production chinoise à bien des égards, mais elle permet à beaucoup de consommateurs au budget limité d’obtenir certaines nécessités de la vie à prix modiques. D’ailleurs, à en juger par la popularité de Wal-Mart et de Dollarama, il est incontestable que les Québécois apprécient fortement les produits chinois.

Quand des travailleurs locaux réclament des mesures protectionnistes, ils ne pensent qu’à leur propre intérêt. Ils se fichent bien de savoir qu’une mère monoparentale pourra se procurer tous les effets scolaires dont ses enfants ont besoin grâce aux importations chinoises. Ils se cachent derrière le nationalisme économique pour obtenir de l’État qu’il les protège de la concurrence étrangère. Or, la concurrence avantage toujours les consommateurs. Doit-on pénaliser des millions d’individus pour ne pas déplaire à une poignée de travailleurs?

J’entends d’ici certains rétorquer qu’il faut limiter les importations, car elles détruisent des emplois. Mais est-ce vraiment le cas? À suivre…

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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