À deux, c’est mieux
Peut-on imaginer le Québec et l’Ontario surmontant leurs barrières culturelles et leurs forces corporatistes respectives pour réussir à créer un grand marché intérieur ouvert, source d’échanges accrus et de prospérité?
Cela pourrait passer pour une utopie, mais c’est pourtant ce que la Colombie-Britannique et l’Alberta, pourtant bien différentes, ont réussi. Elles ont concluent un Accord sur le commerce, l’investissement et la mobilité de la main-d’oeuvre (Trade, Investment and Labour Mobility Agreement, appelé TILMA).
L’accord TILMA, entré en vigueur au début d’avril, vise à supprimer les différences dans les normes et la réglementation, le dédoublement de frais et des exigences imposées aux entreprises en termes d’information. Il s’applique à toute mesure qui restreint le commerce entre les parties et qui n’est pas essentielle pour protéger les consommateurs, la sécurité et la santé publique ou l’environnement.
L’accord est fondé sur le principe de la «reconnaissance mutuelle» pour régler les questions liées aux métiers et aux professions réglementés, aux normes et à la réglementation s’appliquant aux marchandises, et à l’investissement.
La Colombie-Britannique et l’Alberta ont fait le pari qu’en créant une zone économique unique, elles seraient mieux à même de concurrencer les deux économies les plus importantes du pays, celles de l’Ontario et du Québec.
Le Québec et l’Ontario pourraient-elles s’inspirer de cet exemple? Ces deux provinces sont, l’un et l’autre, le plus important partenaire commercial intérieur. En 2003, le Québec a vendu pour près de 31 milliards de dollars (G$) de biens et services à l’Ontario, tandis que cette dernière a vendu pour 38 G$ au Québec. Pour le Québec, cela représente 62% de ses exportations intérieures; pour l’Ontario, 41%. Le commerce interprovincial entre l’Ontario et le Québec compte pour 28% de tout le commerce intérieur au Canada. De toute évidence, les économies de l’Ontario et du Québec sont inséparables.
Le commerce international s’est développé plus rapidement que le commerce intérieur depuis 1991. Mais cette situation s’est inversée au cours des dernières années. Les deux provinces doivent certes continuer à optimiser leur commerce extérieur, mais il est clair qu’elles devraient aussi chercher à profiter pleinement de leurs échanges intérieurs pour améliorer l’efficacité de leur économie.
À l’été 2006, le Québec et l’Ontario ont énoncé leur volonté de parvenir à une entente sur les restrictions qui empêchent les entreprises et les travailleurs de la construction ontariens d’obtenir du travail ou de participer à des chantiers au Québec. Il s’agit d’un vieux contentieux dans lequel c’est l’Ontario qui est en demande, puisqu’il n’existe aucune restriction imposée aux compagnies et aux travailleurs de la construction québécois qui souhaitent travailler ou répondre à des appels d’offres pour des contrats en Ontario.
Peut-être est-il temps que le Québec et l’Ontario cessent d’aborder la question du commerce interprovincial au cas par cas. En intégrant le dossier de la construction à une discussion plus large sur l’ouverture de leurs marchés, les deux provinces pourraient trouver de nouvelles motivations pour résoudre ce dossier. Avec leur accord TILMA, l’Alberta et la Colombie-Britannique ont créé un modèle au Canada. Les autres provinces peuvent suivre cet exemple ou continuer à errer.
Paul Daniel Muller est président de l’Institut économique de Montréal.