Une satisfaction malsaine
Le budget de Jim Flaherty déposé lundi n’a pas manqué de faire des vagues dans la campagne électorale québécoise. Les chefs libéral et adéquiste se sont réjouis de recevoir davantage d’argent d’Ottawa, notamment au chapitre de la péréquation.
Le BS des provinces
Mais y a-t-il vraiment de quoi se réjouir? N’oublions pas que la péréquation est un système qui permet à Ottawa de prendre aux provinces riches pour donner aux provinces pauvres.
La péréquation, ce n’est rien de plus que le BS des provinces. Le principe est donc simple: si le Québec reçoit plus d’argent au titre de la péréquation, c’est qu’il s’appauvrit!
Dans ce contexte, la satisfaction que Messieurs Charest et Dumont ont manifestée à la suite du discours du budget est inappropriée. Un véritable leader ne devrait pas accueillir avec contentement le symbole de notre pauvreté relative, il devrait plutôt s’en inquiéter et la dénoncer.
Les candidats ne tarissent pas de promesses électorales. Malheureusement, aucun ne propose d’enrichir le Québec de telle sorte que nous n’ayons plus besoin de la charité fédérale. Ils se battent pour obtenir plus de péréquation alors qu’ils devraient faire tout en leur pouvoir pour que nous en soyons le moins dépendants possible. Mais quand nos chefs réussiront-ils enfin à vaincre leur réflexe de mendicité?
Quant à M. Boisclair, son attitude est déconcertante. Son désir de souveraineté devrait le motiver à vouloir faire la preuve que le Québec peut se passer d’Ottawa. S’il veut que les Québécois le suivent dans son projet référendaire, il devrait envisager des moyens pour assurer la prospérité du Québec et non entretenir une mentalité de «victime du fédéralisme». N’a-t-il pas compris que les Québécois seraient plus disposés à se séparer du reste de Canada s’ils faisaient partie des provinces qui financent la péréquation plutôt que de celles qui en bénéficient?
Quant à l’utilisation des sommes supplémentaires envoyées par Ottawa, c’est encore M. Charest qui a pris la décision la plus sage: en effet, en rendant au contribuable le fruit de son labeur, il a choisi le meilleur moyen de stimuler la croissance économique.
De plus, en se délestant de cette manne fédérale, le gouvernement libéral évite d’éveiller les groupes de pression et autres vautours dont le seul objectif est de détourner les fonds publics à leur avantage.
Le geste de M. Charest présente également le mérite de ne pas utiliser Ottawa comme «émissaire fiscal» pour soustraire son parti à la tâche ingrate de prélever lui-même des impôts. On dit que son initiative est purement électorale. Peu importe, car l’essentiel est qu’il prenne la meilleure décision possible!
Un séisme politique
Quelle que soit l’attitude des candidats face au budget fédéral, il est peu probable qu’elle modifie radicalement les intentions de vote. Et si les résultats du scrutin sont à l’image des sondages, c’est que les Québécois veulent du nouveau. Les gains enregistrés par l’ADQ signifient que de moins en moins de gens croient au «modèle québécois» et qu’une portion grandissante de la population a soif d’idées nouvelles. C’est particulièrement le cas pour les jeunes de la région de la capitale qui risquent de provoquer un véritable séisme politique. Le 27 mars prochain, plus rien ne sera pareil. Si libéraux et péquistes perdent un grand nombre de votes, ils ne pourront plus rester campés sur leurs positions. Ils devront prendre conscience du message envoyé par les électeurs et seront forcés à être moins dogmatiques s’ils veulent assurer la pérennité de leur parti. Dommage qu’il faille attendre le lendemain du scrutin pour que les candidats prennent contact avec la réalité!
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.