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Textes d'opinion

Un potentiel sous-exploité

La pauvreté relative du Québec est impossible à nier tant les preuves sont accablantes. Non seulement notre revenu par habitant est-il l’un des plus faibles en Amérique du Nord, nous avons aussi un taux de chômage systématiquement supérieur à la moyenne canadienne, notre dette publique est la plus importante au Canada et nous avons le plus grand nombre d’assistés sociaux. Il n’y pas là de quoi pavoiser!

Alors que le Québec fait piètre figure sur le plan économique, l’Alberta arrive en tête du peloton avec une croissance enviable de 7% en 2006. Évidemment, l’Alberta possède du pétrole. C’est l’explication qu’on nous sert inlassablement sur toutes les tribunes. Autrement dit, l’Alberta est riche grâce à ses sables bitumeux, tandis que le Québec est pauvre à cause… à cause de quoi au juste? De l’absence de pétrole? D’un mauvais tour du destin?

Que la présence de pétrole contribue à la prospérité de l’Alberta est incontestable. Toutefois, le pétrole n’explique pas tout. Des pays comme la Suisse, le Japon, le Luxembourg et Hong Kong ne disposent ni de pétrole ni de ressources naturelles, pourtant ils sont parmi les plus riches de la planète. En revanche, le Niger a vu son niveau de vie diminuer de moitié au cours des quarante dernières années et ce, malgré la présence abondante d’énergie fossile. Ce qui compte, ce n’est pas tant de posséder une ressource que de savoir en tirer profit.

Le Québec produit de l’hydroélectricité. Non seulement cette ressource est-elle propre et renouvelable, mais elle est fortement en demande, notamment par nos voisins du sud. Mais au lieu de tirer avantage de cette richesse en la vendant à sa valeur sur le marché, nous maintenons une tarification artificiellement basse et nous nous indignons dès que quiconque suggère d’en hausser le prix, car il s’agit de notre ressource «collective». Pendant ce temps, l’Alberta fait parvenir à ses contribuables des «chèques de prospérité» à Noël! Alors cessons les jérémiades, car nous ne sommes pas les victimes innocentes de la mauvaise fortune. Le Québec jouit d’un potentiel énorme qui pourrait facilement rivaliser avec le pétrole albertain, mais nous avons tout simplement choisi de ne pas l’exploiter.

FOUTAISE!

On nous dit que les bas tarifs d’électricité sont une manifestation de notre solidarité. Foutaise! On s’en doute, les ménages à faible revenu sont de petits consommateurs d’électricité, vu la petitesse de leur logement et le nombre limité d’appareils domestiques qu’ils possèdent. On pourrait parfaitement déterminer une consommation d’électricité que l’on qualifierait «de base» et qui couvrirait tous les besoins essentiels.

Ces premiers x milliers de kilowattheures pourraient être attribués gratuitement, alors que la consommation supplémentaire serait vendue au prix du marché. Comme leur consommation d’électricité est modeste, les plus démunis n’auraient alors rien à débourser. N’est-ce pas une belle preuve de solidarité? Mais de grâce, laissons HQ hausser ses tarifs! Ainsi, non seulement nous arrêterions de subventionner les familles riches pour leur consommation extravagante, mais nous pourrions augmenter nos exportations d’électricité vers les États-unis et ainsi enrichir la province.

En économie, la fatalité n’existe pas. Nous sommes responsables de notre sort. Nous pourrions être une province riche si nous exploitions notre potentiel intelligemment.

Au lieu de cela, nous nous obstinons à maintenir le gel des tarifs d’électricité et à encourager le gaspillage de cette précieuse ressource.

Il ne faut donc pas se surprendre de voir nos gouvernements aller mendier à Ottawa des montants de péréquation et entretenir une mentalité de dépendant. Et cessons de jalouser l’Alberta: après tout, n’est-ce pas cette province qui finance en grande partie ces fonds que nous recevons?

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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