Le Canada et la libéralisation des marchés du transport aérien dans le ciel de l’Atlantique
En avril dernier, le Canada et le Royaume-Uni ont annoncé un accord de «ciel ouvert» qui, lorsqu’il sera conclu, représentera une étape majeure dans le processus de libéralisation du marché du transport aérien entre les deux pays.
Selon les informations disponibles, l’accord autoriserait les compagnies aériennes canadiennes à transporter des passagers à partir de pays tiers ou vers ceux-ci en effectuant des escales au Royaume-Uni. Les mêmes droits réciproques seront disponibles, évidemment, aux transporteurs britanniques effectuant des escales sur le territoire canadien.
Il reste à voir si la Commission européenne, qui a contesté avec succès la compétence des pays membres de l’Union européenne pour négocier des accords aériens bilatéraux indépendamment de l’autorité de Bruxelles, choisira de défier cet accord.
Trop timides
Par ailleurs, et bien que toute démarche entreprise pour accroître la libéralisation des marchés aériens devrait être encouragée, il est à se demander pourquoi on continue de poser des gestes aussi timides. Une grande partie de l’aviation mondiale reste sous l’emprise d’un système bureaucratique d’accords intergouvernementaux qu’on croit pouvoir substituer au marché, et qui dictent donc quels transporteurs ont l’autorisation de voler vers quelle destination, la fréquence à laquelle ils peuvent le faire, et parfois même à quel prix.
L’ouverture du ciel entre les deux plus grands marchés de l’aviation du monde, les États-Unis et l’Europe, constituerait une étape importante dans le processus de libéralisation. L’objectif consiste en l’abandon de la mosaïque d’accords bilatéraux qui existent entre les différents membres de l’UE et les États-Unis et en la mise en place d’un système unique pour réguler le transport aérien transatlantique.
Les efforts entrepris par l’Union européenne afin de conclure un accord bilatéral avec les États-Unis ont toutefois été sans succès jusqu’ici, en grande partie à cause des préoccupations américaines à propos de leur sécurité et de leur souveraineté. Cette situation pourrait néanmoins permettre au Canada de saisir l’occasion d’être un chef de file dans le processus de libéralisation.
Vers un accord Canada-UE?
La tendance continue vers des échanges plus libres porte à croire que tôt ou tard, l’Accord de libre-échange nord-américain s’appliquera aussi au marché du transport aérien et qu’un marché unique de l’aviation sera aussi mis en place entre l’Europe et l’Amérique du Nord.
Si cette hypothèse est correcte, il serait avantageux pour le Canada de conserver un rôle actif dans la mise en place d’une telle intégration des marchés. Étant donné l’impasse où semblent être arrivés les Européens dans leurs négociations avec les États-Unis, l’Europe serait peut-être intéressée à discuter avec le Canada sur la base des mêmes conditions offertes aux Américains.
Les avantages d’un tel accord sont évidents, autant pour l’Union européenne que pour le Canada. On remplacerait quelque 25 accords aériens bilatéraux par un seul s’appliquant à la totalité du marché unique de l’aviation européenne. Le Canada obtiendrait un accès de ciel ouvert à un marché de 450 millions de personnes. Pour sa part, l’Union européenne aurait réussi à mettre en place son projet de «marché unique de l’aviation atlantique» avec un important partenaire nord-américain.
L’expérience acquise grâce à un tel accord de ciel ouvert Canada–UE serait utile à toutes les parties et pourrait éventuellement aider à surmonter une partie de la réticence exprimée par les Américains envers la poursuite du processus de libéralisation transatlantique.
Pierre Jeanniot est l’ancien pdg d’Air Canada, directeur général émérite de l’International Air Transport Association (IATA) et chercheur associé à l’Institut économique de Montréal.