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Textes d'opinion

D’abord des baisses d’impôts – Réduire la dette n’a aucun effet dynamique significatif sur l’économie

Le premier ministre Jean Charest a annoncé mercredi dernier que son gouvernement proposera, dans le cadre du prochain budget, la création d’un «fonds des générations» visant à engager le Québec dans un processus de contrôle et de réduction de la dette publique.

En privilégiant la réduction de la dette, le gouvernement emprunterait en fait la voie la moins rapide pour susciter la croissance économique lui permettant de dégager éventuellement des surplus. Réduire la dette n’a aucun effet dynamique significatif sur l’économie. À moins de consacrer des sommes considérables à ce poste, le service de la dette ne connaîtra qu’une baisse minime et très graduelle au cours des prochaines années. Au contraire, la réduction des impôts sur le revenu, en particulier des impôts marginaux supérieurs, a des effets dynamiques très importants et beaucoup plus rapidement.

Le fardeau fiscal des particuliers au Québec est trop lourd. Le taux marginal maximum de l’impôt sur le revenu des particuliers est plus élevé au Québec que dans toute autre province, et il frappe les contribuables québécois à partir de revenus relativement bas, soit 56 070$. Ce fardeau fiscal décourage l’accumulation de richesse et ralentit l’activité économique.

Deux scénarios

Le Québec pourrait facilement changer de statut et devenir la province où l’imposition du revenu des particuliers est plus avantageuse et cela à un coût relativement modeste en termes de revenus perdus. Cela pourrait se produire en modifiant le barème d’imposition de sorte à relever le seuil de revenu à partir duquel s’applique le taux marginal maximum. On pourrait même envisager que ce seuil devienne le plus élevé au pays (à l’exception bien sûr de l’Alberta qui, avec un taux d’imposition uniforme n’a aucun taux marginal autre que celui qui s’applique à tous les revenus qui dépassent l’exemption de base).

D’après des calculs utilisant le modèle de simulation de Statistique Canada, l’Institut économique de Montréal a estimé que si le seuil d’imposition supérieur doublait, pour passer de son niveau actuel de 56 070$ au niveau fédéral de 115 739$ (scénario 1), cela coûterait 595 millions $ au Trésor québécois en manque à gagner soit plus de la moitié de la réduction d’un milliard par année qui avait été promise. Ces estimations sont très conservatrices car elles sont statiques et ne tiennent pas compte des effets dynamiques d’une réduction d’impôts.

Si plutôt que de doubler le seuil de revenu à partir duquel le taux marginal supérieur d’imposition s’applique, on ramenait simplement son niveau à celui de l’Ontario, soit 70 559 $ (scénario 2), les coûts pour le Trésor québécois seraient évidemment plus faibles, soit 285 millions $.

Les effets dynamiques du scénario 2 seraient moins importants mais une telle baisse d’impôt permettrait tout de même au Québec d’améliorer considérablement sa compétitivité pour attirer et garder des travailleurs de haute qualité.

Le scénario 1 est toutefois celui qui améliorerait le plus les incitations à travailler, épargner et investir, ainsi que les revenus imposables déclarés. Un fardeau fiscal très élevé incite les gens à travailler moins, puisque le dollar additionnel que l’on peut aller chercher est taxé à un taux prohibitif. Il pousse des Québécois à s’établir dans d’autres provinces où les impôts sont moins élevés. Si les contribuables ne peuvent garder pour eux qu’une proportion réduite de leur rémunération, ils épargnent et investissent moins, prennent moins de risques, créent moins d’entreprises et innovent moins, ce qui réduit la croissance économique future. Finalement, un fardeau fiscal élevé encourage le travail au noir et l’évasion fiscale. Pour toutes ces raisons, les revenus imposables déclarés se trouvent réduits.

Inversement une réduction du niveau d’imposition surtout pour les revenus relativement élevés, entraîne une hausse de l’activité économique et génère des revenus budgétaires finançant au moins une partie de la réduction à moyen terme.

Une étude de l’Institut économique de Montréal de mars 2004 avait conclu, utilisant des hypothèses très conservatrices, qu’une réduction de 5 milliards de dollars de l’impôt sur les revenus des particuliers, via des réductions des taux d’imposition, augmenterait le PIB québécois de 1,12% et son taux de croissance à long terme de 0,02% par année. Cela suggère que 595 millions de dollars de réductions d’impôt (scénario 1) amèneront une augmentation du PIB de 0,12%, soit de 348 millions de dollars.

Si ces 595 millions étaient plutôt alloués au remboursement de la dette, il en résulterait des économies modestes au chapitre du service de la dette sans effet significatif sur l’activité économique.

Norma Kozhaya est économiste à l’Institut économique de Montréal.

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