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Textes d'opinion

Pour ou contre une diminution de l’impôt sur le revenu

Débat entre Norma Kozhaya, économiste à l’IEDM, et Pierre Lefebvre, professeur d’économie à l’UQAM.

POUR

Norma Kozhaya, économiste, Institut économique de Montréal (IEDM) – Pour Norma Kozhaya, une baisse de l’impôt contribue moins au pouvoir d’achat des particuliers qu’à la productivité de nos entreprises. «On est beaucoup plus productif lorsqu’on paie moins d’impôt sur le salaire», affirme l’économiste. Selon cette spécialiste en fiscalité de l’IEDM, lorsque les gens paient moins d’impôt, ils sont plus enclins à travailler et à rester au pays avec leur expertise. «N’oublions pas que la lourdeur de notre régime fiscal favorise l’exode des cerveaux.»

Elle reconnaît tout de même qu’à court terme, le Québec n’a pas vraiment les moyens de cette ambition. «Il est certain que si l’on diminue les impôts aujourd’hui, cela coûtera cher à l’État», prévient Norma Kozhaya. Toutefois, elle estime que ce coût sera rapidement récupéré dans les prochaines années, car l’augmentation des revenus disponibles dynamisera l’économie. Cela se traduira par une augmentation des recettes pour le Québec, qui pourra percevoir plus de taxes, notamment à la consommation. «Moins les impôts sont élevés, moins il y a d’évasion fiscale», ce qui épongerait plus rapidement le déficit créé par une diminution.

Autre argument en faveur d’une baisse d’impôt: «Plus du tiers des contribuables ne paient pas d’impôt; c’est inéquitable», soutien l’économiste, qui fait valoir que la fiscalité québécoise nuit à l’accumulation des richesses. Cela ne veut pas dire qu’il faudrait la revoir en diminuant l’impôt et en augmentant les taxes à la consommation. «Il ne nous coûtera pas moins cher de percevoir 20% d’impôt plutôt que 24%», dit elle. Bien sûr certains aspects de la fiscalité sont inefficaces, comme la taxe sur le capital, qui inhibe les investissements et coûte donc plus cher à percevoir que ce qu’elle rapporte. Mais avant d’y penser il faut favoriser la réduction d’impôts, purement et simplement. «La croissance économique passe par la productivité, qui est elle-même influencée par le fardeau fiscal», martèle Norma Kozhaya, qui estime que c’est la meilleure raison de diminuer l’impôt sur le revenu.

CONTRE

Pierre Lefebvre, professeur d’économie à l’UQAM – Alors que le Québec peine à équilibrer son budget, diminuer les impôts fera plus de tort que de bien, croit Pierre Lefebvre, professeur d’économie à l’UQAM. «Il n’est pas certain que les contribuables en gagneraient au change, puisqu’il nous faudrait alors sabrer les services que les particuliers n’auraient plus les moyens de se payer.» Il faut faire en sorte que le citoyen en ait plus pour son argent, pas nécessairement qu’il ait plus d’argent. Cet universitaire ne croit pas que le revenu disponible des contribuables stagne, l’argument favori des gens qui plaident en faveur d’une baisse de l’impôt. «Au contraire, il augmente de façon constante», soutien Pierre Lefebvre.

Pour boucler son budget, l’État doit augmenter ses recettes ou diminuer ses dépenses. «Mais voilà, nous sommes déjà très taxés, et nous n’avons pas les moyens d’une baisse d’impôt», constate ce professeur d’économie, qui juge qu’une révision de la fiscalité serait plus pertinente. «L’État dépense beaucoup d’argent dans la perception des impôts, et c’est de ce côté-là qu’il faut regarder plutôt que du côté d’une simple diminution.» Percevoir des impôts est coûteux et engendre des pertes, tandis que percevoir des taxes, sur la consommation par exemple, est beaucoup plus efficace. Si on diminue les impôts, il faut augmenter les taxes. C’est d’ailleurs ce qu’on fait la plus part des pays de l’OCDE. «Le fardeau fiscal reste le même, mais l’État perçoit plus d’argent avec ce type de taxes ‘intelligentes’», poursuit cet expert, selon qui le Québec a une structure particulièrement lourde et coûteuse de perception des impôts.

Quand à savoir si une baisse d’impôt remettrait de l’argent dans l’économie, soi-disant parce que les gens dépenseraient plus, il faut nuancer. «Si on injecte un milliard de dollars en diminuant les impôts, il faut s’assurer que cela soit payant», croit le chercheur. Car retrancher un milliard du budget provincial et repasser la note aux contribuables peut être beaucoup plus coûteux pour ces derniers. Consommer c’est bien, mais augmenter la productivité, c’est mieux. «Il faut donc s’assurer que l’argent remis aux contribuables a des retombées, la création d’emplois par exemple.»

Propos recueillis par Jean-François Parent.

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