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Textes d'opinion

La mauvais numéro du CRTC

Le ministre canadien de l’Industrie, David Emerson, a constitué en avril dernier un Groupe d’experts, mandatés pour étudier la modernisation du cadre réglementaire des télécommunications. Historiquement, les gouvernements ont réglementés les télécommunications sous le prétexte que la concurrence y était trop faible ou inexistante. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) utilise toujours ce même argument. Or, les innovations technologiques (téléphonie sans fil et surtout téléphonie Internet) ont ouvert une nouvelle ère permettant une concurrence réelle entre les différents fournisseurs de services. Il faut espérer que le groupe d’étude en tiendra compte.

La politique actuelle du CRTC consiste à handicaper les anciens monopoles comme Bell et Telus en imposant, par exemple, des prix qu’ils ne peuvent baisser, et en limitant leurs offres de rabais. Dans une décision du 12 mai, le CRTC a étendu ces handicaps au domaine de la téléphonie Internet. Même si, à l’évidence, ces mesures pénalisent les consommateurs et les industries en entraînant des prix plus élevés et moins de choix, le CRTC les justifie au motif qu’il n’y aurait pas assez de concurrence dans la téléphonie filaire locale résidentielle, toujours concentrée entre les mains des anciens monopoles. Sa référence est la notion traditionnelle de «concurrence parfaite», qui exige la présence d’une multitude de petits concurrents incapables d’influencer les prix.

Le CRTC fait toutefois une mauvaise application des théories économiques. À la suite, notamment, des travaux de lauréats du prix Nobel comme Friedrich Hayek, Gary Becker et George Stigler, on s’est tourné vers une conception de la concurrence plus réaliste qui tient compte de l’innovation technologique. En absence de barrière légale à l’entrée dans un secteur, la concurrence est toujours présente et s’exerce non seulement parmi les entreprises du secteur en question, mais elle provient aussi des entreprises oeuvrant dans des secteurs plus ou moins connexes.

Ainsi, même si le nombre de fournisseurs de services locaux n’est pas très élevé dans le sous-secteur de la téléphonie filaire résidentielle, il est évident que la concurrence est bien là. Grâce aux nouvelles technologies, elle provient aussi bien des compagnies de téléphones traditionnelles que de celles du sans fil. Des études aux États-Unis et au Canada confirment que les consommateurs remplacent de plus en plus les services filaires par des services sans fil.

Mais cela n’est pas tout. La concurrence la plus intense provient du secteur de la câblodistribution grâce à la nouvelle téléphonie Internet. Une multitude de fournisseurs d’accès et même des compagnies d’électricité – avec la nouvelle technologie Broadband over the Powerline – seront en mesure d’offrir les mêmes services de télécommunications, s’il se présente des occasion de mieux servir les clients.

À titre d’exemple, Vonage a déjà lancé un service VoIP sur le marché canadien et AOL Canada vient d’annoncer qu’elle l’offre aussi. Rogers Communications propose la téléphonie résidentielle à Toronto. Cogeco la propose à ses clients de l’Ontario et projette de l’offrir à ses 230 000 abonnés du Québec. Enfin, Vidéotron et Bell ont déjà lancé leur service de téléphonie Internet au Québec et s’y livrent une concurrence intense.

Le Groupe d’experts devrait compte de cela dans ses recommandations, afin que nous puissions profiter de la nouvelle téléphonie.

Michel Kelly Gagnon est président de l’Institut économique de Montréal.

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