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Textes d'opinion

Non à un autre centre de foires

Le gouvernement du Québec fait face à des pressions pour subventionner la construction d’un nouveau centre de foires à Montréal. Les données disponibles suggèrent que la ville a perdu plusieurs foires depuis la fin des années 1990. Cependant, une étude toute récente de Heywood Sanders, réalisée pour le compte de la Brookings Institution, montre que le même phénomène s’est produit au États-Unis.

Alors que la superficie des centres de foires a augmenté, la demande des organisateurs a diminué. C’est le cas notamment à Chicago, à New York, à la Nouvelle-Orléans, à Orlando et à Las Vegas. Cette baisse a eu lieu malgré l’expansion de leurs capacités d’accueil liée, notamment, à la création de nouveaux centres de foires.Les raisons de ce phénomène semblent découler de plusieurs facteurs, dont le fait que l’information peut maintenant circuler à moindre coût (on pense notamment à Internet) et à la réduction des voyages d’affaires. En fait, beaucoup de centres de congrès et de foires en Amérique du Nord accusent des pertes.

Les projets de nouveau centres des foires de Montréal qui sont considérés suggèrent un immeuble d’une superficie entre 550 000 et 750 000 pi2, dont la seule construction coûterait entre 1 et 1,5 milliard de dollars. Pourquoi forcer les contribuables à risquer leur argent dans cette escapade ? Il semble prudent de ne pas s’embarquer dans ce genre d’aventure.

De plus, il faut rappeler qu’il existe déjà à Montréal un centre de foires privé, la Place Bonaventure, qui offre plus de 400 000 pi2 d’espace. Le Palais des Congrès, une société d’État, dispose de plus de 300 000 pi2 pour accueillir les foires. Le Stade olympique, dans son état actuel, offre quelque 200 000 pi2.

Un nouveau centre de foires concurrencerait les équipements existants, qui ne fonctionnent déjà pas à pleine capacité. Il fausserait le jeu parce qu’il requerrait un financement de l’État. Il forcerait ainsi les contribuables à devenir investisseurs dans une deuxième entreprise publique du genre à Montréal.

En fait, si les investisseurs privés jugeaient qu’une demande solvable existe dans le marché, un nouveau centre de foires privé s’installerait ou le centre privé actuel augmenterait sa capacité. Puisque les investisseurs privés ne se bousculent pas au portillon et que tous les projets d’un nouveau centre de foires exigeraient une part de financement public, il faut croire que le projet n’est pas pertinent sur le plan économique.

Seule une interaction libre et normale de l’offre et la demande peut déterminer l’espace optimal pour des centres de foires ou d’expositions à Montréal. Les planificateurs bureaucratiques se trompent régulièrement et, qui plus est, lorsqu’ils se trompent, ils ne financent pas leurs erreurs avec leur propre argent!

À cette analyse économique, certains opposent l’argument des retombées: une augmentation de l’offre d’espace pour les foires, à supposer que la demande suive, profiterait aux hôteliers, aux restaurateurs et aux autres fournisseurs locaux. Mais cet argument néglige les retombées négatives de l’argent que les contribuables n’auraient plus dans leur poche pour leur propre consommation ou leurs projets d’investissement. Sans parler de la concurrence déloyale engendrée à l’encontre des entreprises privées oeuvrant déjà à Montréal dans ce domaine.

Michel Kelly Gagnon est président de l’Institut économique de Montréal.

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