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Textes d'opinion

Négociations dans le secteur public: ma sécurité contre ton salaire?

L’affrontement naissant entre le gouvernement du Québec et l’intersyndicale des services publics porte, outre les salaires, sur les modalités de la sécurité d’emploi dont bénéficient les employés permanents de l’administration. Or, il appert que le décalage entre les salaires payés au public et ceux dans le privé s’explique en bonne partie par la valeur monétaire de la sécurité d’emploi.

Dans la présente ronde de négociations, le gouvernement cherche à faciliter le reclassement de ses salariés d’une catégorie d’emploi à l’autre ainsi que leur relocalisation. Il souhaite aussi faciliter la cession de certaines activités à l’extérieur de l’administration. Pour ce faire, l’employeur veut supprimer le droit de refus des employés, rognant ainsi sur l’un des aspects de la sécurité d’emploi.

De leur côté, les syndicats revendiquent des hausses salariales de 12,5% sur trois ans. Ils invoquent notamment le décalage de 12,3% entre le salaire des employés de l’administration et celui des salariés du secteur privé.

Selon la théorie des différences compensatoires, les travailleurs accordent une valeur économique à leurs conditions de travail, tant monétaires que normatives. Ils sont donc prêts à échanger une part de salaire contre une part de sécurité ou vice-versa.

Au Québec, comme la sécurité d’emploi dont bénéficient les employés du secteur public est généralement supérieure à celle dont jouissent ceux dans le privé, on doit s’attendre à retrouver des salaires inférieurs.

Mais l’ampleur de cette différence reste pour l’instant inconnue puisque nous ne disposons pas d’études qui traduisent la valeur de la sécurité d’emploi en dollars.

Une étude réalisée en Australie, pays souvent comparé au Canada, apporte un éclairage intéressant […] Elle montre que les travailleurs gagnant 20 $ australiens l’heure accordent une valeur à la sécurité d’emploi qui équivaut à environ 11% de leur rémunération. En appliquant cette logique au Québec, on pourrait expliquer ainsi le le décalage salarial de 12,3% entre les salariés de l’administration publique québécoise et l’ensemble des autres salariés.

Il n’y a donc pas lieu de parler de «retard» salarial du secteur public québécois par rapport au privé, mais plutôt d’une différence compensatoire résultant du fait que les salariés du public ont implicitement troqué, au fil des ans, une rémunération inférieure à celle gagnée par leurs homologues du secteur privé contre une plus grande sécurité.

En suivant cette logique, les parties patronale et syndicale peuvent donc aboutir à un règlement qui perpétuerait à peu de choses près le deal actuel. Ou alors, ils peuvent se diriger vers un nouvel équilibre, en vertu duquel les syndicats amélioreraient significativement la rémunération de leurs membres, tandis que le gouvernement obtiendrait la flexibilité qu’il recherche pour accomplir son plan de réingénierie de l’État.

Paul Daniel Muller est chercheur associé à l’Institut économique de Montréal.

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