Pour un Canada à ciel ouvert
Le ministre fédéral des Transports, Jean Lapierre, faisait récemment part de son intention de poursuivre le processus de libéralisation des services de transport aérien, entamé à la fin des années 80. Il a soulevé la possibilité de permettre aux transporteurs étrangers d’offrir des vols entre les villes canadiennes – ce qu’on appelle le cabotage – et de revoir à la hausse les limites imposées à la propriété étrangère des transporteurs nationaux, actuellement fixées à 25%. Il s’agirait dans les deux cas d’excellentes nouvelles pour les consommateurs et l’économie du pays en général. La tendance est à une libéralisation accrue de ce secteur dans le monde. Le Canada a signé plus de 70 accords aériens bilatéraux avec d’autres pays. La mondialisation des marchés et certains développements survenus dans l’industrie du transport aérien ces dernières années remettent de plus en plus en cause la raison d’être des restrictions qui subsistent. De plus, le temps est propice au changement, compte tenu du redressement récent de la situation financière d’Air Canada.
Le Canada a largement bénéficié de l’accord de ciel ouvert signé avec les États-Unis en 1995, qui autorisait tout transporteur canadien ou américain à offrir des services transfrontaliers sans restriction quant aux prix, à la fréquence ou au type d’appareils. Le nombre de déplacements par avion effectués par les résidents du Canada et des États-Unis entre les deux pays a augmenté de 41% dans les cinq années qui ont suivi la signature. Le commerce de marchandises par avion entre les deux pays a presque doublé au cours de la même période, alors que le commerce de marchandises par tous les autres moyens de transport augmentait de moitié.
L’élimination des restrictions concernant le cabotage et la propriété étrangère des transporteurs aériens nationaux peut apporter plusieurs bénéfices supplémentaires.
D’une part, la hausse des limites en matière de propriété étrangère donnerait aux transporteurs canadiens accès à un marché des capitaux élargi. Cela aurait un important effet stabilisateur, étant donné la nature volatile de l’industrie. De plus, cette mesure faciliterait l’entrée de nouveaux concurrents dans le secteur et serait sans doute d’un grand secours pour les plus petits transporteurs qui désirent améliorer leur flotte.
D’autre part, la concurrence accrue exercerait une pression à la baisse sur les prix et à la hausse sur la qualité des services. Par exemple, depuis l’arrivée des nouveaux transporteurs WestJet, CanJet et Jetsgo, les prix des déplacements par avion dans le corridor Montréal-Toronto ont chuté de près de moitié et les choix de services ont augmenté. Imaginez l’effet positif si plusieurs compagnies aériennes étrangères venaient offrir leurs services au Canada.
Le président d’Air Canada, Robert Milton, et le vice-président de WestJet, Tim Morgan, se sont déjà prononcés en faveur de l’élargissement de l’accord de ciel ouvert avec les États-Unis.
Rappelons que les États-Unis négocient actuellement avec l’Union Européenne en vue d’élargir les accords bilatéraux qui existent entre eux. Il est par conséquent primordial que le Canada règle le dossier très rapidement avec son voisin immédiat, pour que les transporteurs canadiens puissent bénéficier d’une longueur d’avance dans l’accès complet au marché intérieur américain.
Michel Kelly Gagnon est président de l’Institut économique de Montréal.