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Textes d'opinion

À trop vouloir économiser…

La politique québécoise du médicament, annoncée en décembre par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, montre une fois de plus que les gouvernements ont de la difficulté à lâcher le morceau du contrôle des prix. Au Canada, ces prix sont contrôlés de deux façons. D’abord, à l’échelon fédéral, le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés fixe le prix de lancement des nouveaux produits et plafonne par la suite leur augmentation en fonction de l’inflation.

Ensuite, le contrôle s’effectue à l’échelon provincial. Ainsi, le Québec et l’Ontario pratiquent depuis plus de 10 ans un gel des prix sur les médicaments brevetés. La récente politique québécoise met fin à ce gel, mais les prix restent quand même soumis à un contrôle: les fabricants devront attendre cinq ans avant de pouvoir demander une augmentation, laquelle sera encadrée par plusieurs conditions et plafonnée, entre autres, par l’indice des prix moins 0,5%.

S’acharner à contrôler les prix s’est pourtant avéré fort inefficace pour freiner l’explosion des dépenses de santé, dont la hausse est due à l’utilisation plus intensive de médicaments. En plus, ces contrôles rendent l’innovation et la commercialisation de nouveaux médicaments moins profitables au Canada. Le volume des revenus s’en trouve réduit, et les filiales canadiennes des grandes compagnies pharmaceutiques reçoivent moins de missions de recherche et développement (R-D).

Les politiques canadiennes du médicament se distinguent aussi en raison du double processus – fédéral et provincial – d’approbation et de remboursement des nouveaux médicaments. Les patients soignés au Québec doivent attendre environ deux ans, deux fois plus longtemps que les patients américains, avant de profiter des nouveaux produits. De même, dans l’optique d’une réduction des dépenses, beaucoup de nouveaux médicaments sont rejetés par l’organisme qui régit les listes provinciales de médicaments remboursables. Entre 1995 et 2000 au Québec, seulement 71 nouveaux médicaments sur 228 ont bénéficié d’une inscription totale à cette liste.

En voulant réduire les coûts, les gouvernements font fi des avantages de médicaments novateurs. Ils ne tiennent pas compte non plus des retombées économiques liées à une activité de R-D pharmaceutique plus importante.

Dans une étude récente, le consultant Bain & Co a évalué que les contrôles des prix ont permis de réaliser des «économies» de 7 milliards de dollars (G$) par an sur les nouveaux médicaments. Cependant, le contrôle des prix est aussi la cause de pertes pour toute l’économie, en termes d’emplois qualifiés, de centres de recherche, d’emplois non créés, et aussi de traitements de santé moins performants aux effets secondaires plus importants, d’hospitalisation, etc. Les pertes pour l’économie canadienne seraient ainsi de 8 G$, soit une perte nette de 1 G$ par an.

Il est temps de considérer les médicaments comme un moyen pour recouvrer vite et efficacement la santé, et non seulement comme une dépense budgétaire. Il s’agit en fait, d’un investissement rentable. Une véritable politique du médicament devrait aller beaucoup plus loin que celle récemment proposée au Québec et arrêter de jouer avec les prix, de façon à ne plus pénaliser l’innovation pharmaceutique. Un jeu qui finit par nous coûter cher.

Michel Kelly Gagnon est président de l’Institut économique de Montréal.

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