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Textes d'opinion

Vers plus de tarification des services publics?

Sans tambour ni trompettes, le gouvernement Charest a entrepris un virage serré vers la tarification des services publics.

Dès son premier budget, en juin, il a cessé de rembourser aux parents une partie des frais que leur exigent les écoles publiques (15M$). Puis, il a fait appel aux cotisants du régime d’assurance-médicaments (62M$) et a dégelé les tarifs d’électricité. Hydro-Québec s’est empressée de demander une hausse de ses tarifs (415M$).

Il a annoncé une augmentation de la contribution des parents dans les Centres de la petite enfance (104M$) et a poussé les sociétés de transport en commun, qu’il subventionne par ailleurs, à hausser leurs tarifs (40M$).

Et on n’est pas sorti du virage: le ministre de l’Environnement s’est prononcé en faveur d’un recours accru à la tarification de l’eau potable. À l’université, l’hypothèse d’une hausse des frais de scolarité revient obstinément sur le tapis, malgré les dénégations officielles.

Le gouvernement se tourne vers la tarification alors qu’il s’est engagé à réduire l’impôt des Québécois de un milliard de dollars par année à partir de 2004. La somme des augmentations de tarifs proposées ou décidées (636M$) représente déjà près des deux tiers de ce milliard.

Pourtant, le Parti libéral du Québec avait indiqué qu’il comptait financer la réduction d’impôt en «révisant les programmes des ministères de façon à éliminer le gaspillage et les dépenses non essentielles». Il n’était pas question de tarification. Devant ce virage, il est temps d’examiner les avantages et les inconvénients de ce mode de financement.

Vers une meilleure affectation

Un tarif amène les gens à évaluer le bénéfice d’un service fourni par l’État. Si ce bénéfice dépasse le tarif, les gens seront prêts à l’acquitter; dans le cas contraire, ils réduiront leur consommation. Quand quelqu’un renonce à un service rationné, alors une place se libère au profit d’une autre personne.

Comme outil de rationnement, la tarification peut ainsi s’avérer plus respectueuse qu’une liste d’attente. On l’a vu dans le cas des CPE et des services médicaux: le rationnement par liste d’attente engendre des combines et des passe-droits qui minent la confiance des gens dans le système. La tarification – et surtout l’analyse coût-bénéfice qu’elle entraîne – représente le moyen le plus intègre d’aiguiller les ressources publiques vers les personnes qui bénéficient le plus du service.

Lorsqu’il existe des substituts au service fourni par l’État, un tarif incite les gens à comparer les options. Ainsi, devant une hausse des tarifs d’électricité, investir pour mieux isoler sa maison peut devenir une option rentable.

Enfin, les comportements des usagers en réaction aux changements de tarifs informent les gestionnaires de l’État sur la valeur réelle des services rendus plus objectivement que la clameur des groupes de pression, qui sont le plus souvent formés des producteurs de ces mêmes services.

Si le service offert ne répond pas à un besoin pour lequel les gens sont prêts à payer le coût de revient, alors l’instauration d’un tarif se rapprochant de celui-ci fera baisser la fréquentation; pensons à un programme d’enseignement universitaire non contingenté ou à une salle de spectacle subventionnée.

S’il y a une liste d’attente par contre, comme dans les CPE, une hausse de tarif n’entraînera pas nécessairement une baisse du volume d’activités.

La tarification favorise ainsi la ré-affectation des ressources vers les activités les plus prisées, aux dépens d’autres activités sans doute valables, mais dont les gens seraient prêts à se passer.

Protéger l’accès

Le principal argument contre la tarification est qu’elle peut empêcher les moins nantis d’avoir un accès jugé suffisant à des services jugés essentiels.

En principe, il est possible de prévenir ce problème à l’aide de transferts monétaires directs aux personnes. Un recours accru à la tarification accompagné de transferts monétaires plus généreux permet de réaliser les avantages de la tarification sur le plan de l’affectation des ressources tout en protégeant l’accessibilité pour les moins nantis.

Il faut cependant porter une attention particulière à certains travailleurs à faibles et moyens revenus qui gagnent trop pour bénéficier des programmes de soutien au revenu mais pas assez pour payer de l’impôt.

Les services publics gratuits sont financés par les taxes et les impôts, qui sont progressifs.

Les tarifs, par contre, sont généralement indépendants de la capacité de payer. Par conséquent, il reste que le recours accru à tarification accompagné d’un allégement de la fiscalité réduit le degré de progressivité du système dans son ensemble.

Un recours accru à la tarification peut améliorer l’affectation de ressources publiques limitées vers les activités les plus prisées par les gens, ainsi que vers les gens qui valorisent le plus ces activités.

Cependant, les Québécois pourraient s’objecter aux tarifs s’ils appauvrissent certaines couches de la population ou s’ils sont perçus comme un truc pour financer des baisses d’impôt tout en maintenant la ponction totale du gouvernement dans la poche du contribuable.

Paul Daniel Muller est chercheur associé à l’IEDM.

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