Diminuer les impôts pour hausser les revenus de l’État
On justifie souvent le maintien de taux d’imposition sur le revenu élevé par la nécessité de réduire la dette ou d’améliorer les services publics. De leur côté, les contribuables souhaitent payer le moins d’impôt possible.
Il semble difficile de concilier les objectifs des gouvernants et des payeurs de taxes. Plusieurs économistes ont suggéré qu’une diminution de la charge fiscale favoriserait davantage la création de richesse et qu’en bout de ligne, les gouvernements récolteraient plus de revenus. Il s’agit d’une proposition controversée qui a donné lieu à plusieurs débats.
Une étude de Robert Gagné des HEC, de Jean-François Nadeau de la Banque du Canada et de François Vaillancourt de l’Université de Montréal vient ajouter une perspective canadienne intéressante et solide (voir: Taxpayers’ Response to Tax Rate Changes: A Canadian Panel Study). Les conclusions de leur analyse laissent entendre qu’une diminution du taux marginal d’imposition des contribuables à revenu élevé se traduirait par une hausse des revenus de l’État.
Les auteurs ont étudié l’impact des changements des taux d’imposition sur le comportement fiscal des contribuables et sur les recettes gouvernementales. Ils ont analysé les données en se basant sur trois périodes fiscales distinctes entre 1972 et 1996 et en divisant les contribuables en trois catégories: revenu moyen (50 000 $ à 100 000 $), revenu élevé (100 000 $ à 150 000 $) et revenu très élevé (150 000 $ et plus).
Les auteurs soulignent que les contribuables à revenu élevé et très élevé sont beaucoup plus sensibles à la hausse du taux marginal d’imposition que les autres contribuables, ce qui explique pourquoi ceux dont les revenus sont inférieurs à 50 000 $ ne sont pas inclus dans l’étude.
Un constat important est qu’une hausse de l’impôt pour les contribuables à revenu plus élevé a pour effet de les déplacer en bloc vers des classes d’imposition à taux inférieurs, car ils modifient alors leur comportement (en prenant plus de journées de congé) ou utilisent d’autres stratagèmes (des abris fiscaux) pour éviter de payer plus d’impôt. Les auteurs concluent donc que les gouvernements fédéral et provinciaux auraient pu augmenter leurs recettes de 1988 à 1996 en réduisant les taux des mieux nantis.
Les auteurs considèrent leurs résultats comme étant conservateurs puisque leur analyse ne tient pas compte des effets bénéfiques d’une baisse d’impôt sur l’économie dans son ensemble.
À la lumière de cette étude, il apparaît qu’une baisse des taux pour les contribuables à revenu de plus de 100 000 $ aurait des effets positifs pour les contribuables visés par cet allégement, mais aussi sur les recettes gouvernementales. Il ne s’agit pas de prôner des réductions seulement pour les contribuables aisés, mais pour tous. Toutefois, cette étude se penche sur les effets des baisses d’impôt sur cette tranche de revenu et les justifications seraient différentes pour les autres.
Il semble donc possible de rendre la fiscalité canadienne plus compétitive tout en garantissant aux gouvernements qu’ils pourront maintenir le niveau actuel de leurs recettes fiscales.