Compétitivité des entreprises : une baisse d’impôt… s’impose!
À l’approche de la mise à jour économique de l’automne, le ministre des Finances Bill Morneau a laissé entendre qu’il favoriserait l’amortissement immédiat des investissements plutôt que de baisser le taux d’imposition des entreprises. Cette mesure imiterait un élément de la réforme fiscale américaine. Ce serait pourtant une erreur de ne pas faire de la baisse du taux d’impôt des entreprises le fer de lance de notre réponse à l’administration Trump.
Il ne fait aucun doute que le gouvernement fédéral doit agir. La compétitivité des entreprises canadiennes a été malmenée par les baisses d’impôt américaines ainsi que par les efforts de déréglementation au sud de la frontière. Tous s’entendent pour le dire : le Conseil consultatif en matière de croissance économique, mis en place par le gouvernement fédéral lui-même; le Comité sénatorial des banques et du commerce; le Fonds monétaire international; puis l’OCDE, sans nommer une pléthore de groupes représentant différentes industries.
Le gouvernement fédéral doit profiter de l’occasion de sa mise à jour automnale pour baisser l’impôt des entreprises et rétablir l’avantage canadien, plutôt que d’instaurer l’amortissement immédiat des investissements. Cette dernière mesure ne s’appliquerait pas à toutes les entreprises, puisque celles qui sont en démarrage, par exemple, ne paient souvent pas d’impôt. Aussi, il s’agit d’une mesure qui favorise certaines industries réalisant de très grands investissements et qui offre peu aux autres entreprises. De plus, l’amortissement des investissements rend les recettes du gouvernement provenant de cet impôt difficile à prévoir, puisque certaines entreprises accumulent alors d’importantes déductions inutilisées. Enfin, cela ne ferait pas grand-chose pour contrer l’évitement fiscal et le genre d’optimisation dont il est aussi question lorsqu’on parle de compétitivité.
L’impôt sur le revenu des entreprises, en revanche, agit directement sur les décisions des investisseurs et des entrepreneurs en rendant les projets moins rentables. Il diminue par conséquent la croissance, la création d’emplois et la progression des salaires : en somme, c’est un impôt néfaste. Ne pas l’abaisser, alors que les Américains l’ont fait, entraînera des coûts importants, tant pour les entreprises que pour les travailleurs. D’ailleurs, la plupart des pays dont l’économie est comparable à celle du Canada en ont pris note et diminué leur taux d’imposition des entreprises depuis 2012; d’autres baisses sont à prévoir à court terme.
En a-t-on les moyens?
Le Canada peut-il se permettre de baisser l’impôt sur le revenu des entreprises? Ne risque-t-il pas plutôt d’empirer sa situation budgétaire? L’histoire fiscale récente est révélatrice.
En 2001, le gouvernement libéral de l’époque a commencé à abaisser le taux d’imposition fédéral du revenu des sociétés de son plateau de longue date de 28 %. Par une série de réductions successives, ce taux est descendu à 21 % en 2004; puis, en 2006, le gouvernement conservateur l’a encore réduit, jusqu’à ce qu’il atteigne 15 % en 2012, à peine plus de la moitié du taux initial.
Malgré cette baisse importante, les recettes fiscales sont demeurées remarquablement stables après la première année de la réforme (45 milliards $ en 2017 contre 43,4 milliards $ en 2000, en dollars constants). Pourquoi? Les baisses d’impôt ont conduit à plus d’investissements des entreprises et plus de croissance économique, sans parler des salaires plus élevés. Et les revenus de cette croissance additionnelle ont eux aussi été imposés.
Le plus à gagner
La raison la plus importante pour réduire l’impôt des entreprises est que ce sont les travailleurs qui, ultimement, paient la plus grande partie de cette charge fiscale. Ce sont aussi eux qui font les frais de la perte de compétitivité canadienne, et qui ont donc le plus à gagner lorsque le taux d’imposition des entreprises est réduit.
Les investissements, qui sont encouragés par une réduction de l’impôt des entreprises, se traduisent par des salaires plus élevés et plus d’argent pour la retraite. Ce principe est confirmé non seulement par l’expérience canadienne au tournant du millénaire, mais aussi par la recherche internationale, y compris de nombreuses preuves provenant d’Europe.
Si nos décideurs publics entretenaient encore des doutes sur la nécessité d’agir maintenant pour rétablir la compétitivité canadienne, les changements fiscaux récents aux États-Unis devraient les avoir fait tomber. La meilleure façon de le faire est de réduire le taux d’imposition des entreprises.
Mathieu Bédard is an Economist at the Montreal Economic Institute, Kevin Brookes is a Public Policy Analyst at the MEI. They are the authors of “Restoring Canadian Competitiveness by Reducing Corporate Taxes” and the views reflected in this op-ed are their own.