Plaza St-Hubert : les automobilistes sont aussi des clients
J’ai un faible pour la Plaza St-Hubert. D’abord parce que les premiers bureaux de l’IEDM étaient sur la chic Plaza quand j’ai commencé ma carrière en 2002. Ensuite parce qu’on y retrouve Le Roi du Smoked Meat ! Et comme j’habite tout près, je peux profiter du « Super Spécial » viande fumée aussi souvent que je veux.
À partir de cet automne, Montréal va « refaire une beauté » à la rue Saint-Hubert au coût de 49 millions $.
Des travaux à la Plaza St-Hubert s’étendront sur deux ans. On veut notamment changer la marquise, remplacer le réseau d’aqueduc et élargir les trottoirs. Jusqu’ici ça va, sauf que… Une fois les travaux complétés, il devrait y avoir moitié moins de stationnements sur la rue Saint-Hubert! Des bandes d’arbres remplaceront près de 50 % des espaces actuels de stationnement, de chaque côté de la rue.
Est-ce que c’est vraiment comme ça qu’on va attirer les gens pour qu’ils viennent magasiner? C’est devenu presque tabou de le dire, mais si on veut garder les gens au centre-ville et dans les quartiers centraux, il faut penser à rendre la vie plus facile aux automobilistes. Le stationnement doit être accessible et le coût, abordable.
Dans les quartiers centraux, il en coûte environ 3$ l’heure pour se stationner. C’est gratuit aux Galeries d’Anjou. Même chose au Centre Rockland. Pour les commerces de proximité aussi, comme ceux de la Plaza St-Hubert, il faut du stationnement pas cher.
C’est bien beau de dire que ces rénovations vont accentuer l’aspect piétonnier de la Plaza. Et plusieurs maires, dont celui de Rosemont–La Petite-Patrie, que je connais bien, mettent de l’avant des mesures qui favorisent l’utilisation du vélo et de la marche. C’est très bien.
Mais on oublie une chose importante dans ce dossier : la vitalité des quartiers, ce n’est pas seulement favoriser les commerces et les restaurants de quartier, ça dépend aussi de la mise en place de mesures pour aider les commerces de « destinations » et permettre aux familles – oui, aux familles qui ont souvent des voitures et des mini-fourgonnettes –, de venir faire des emplettes sans se taper les pannes du métro de Montréal.
Par exemple, sur la Plaza, il y a le commerce L.L. Lozeau, qui vend de tout pour les photographes et vidéastes amateurs et professionnels. Les gens viennent de la ville et de la banlieue pour y magasiner. S’ils se font suer à chaque fois qu’ils veulent y aller parce qu’ils ne trouvent pas de stationnement, après un temps ils vont aller ailleurs.
C’est quand même bizarre : l’administration municipale dit qu’elle veut inciter les gens à magasiner au centre-ville, mais en même temps elle fait tout pour rendre difficile et coûteux le stationnement dans les quartiers centraux… Et c’est sans parler des taxes très élevées à Montréal pour les commerces et les investisseurs.
Enfin, espérons seulement qu’on ne répétera pas les expériences des rues St-Laurent et du Parc, avec des travaux incessants et à répétition qui ont fait mal. Les commerçants là-bas en ont bavé. À ce sujet, il faut dire que les travaux sur la rue St-Denis se sont mieux déroulés, dans la mesure où l’échéancier a été respecté.
Mais de grâce, si vous voulez garder cet endroit dynamique et prospère, gardez en tête que les automobilistes sont aussi des consommateurs. Et que leur patience a des limites.
Jasmin Guénette is Vice President of the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.