Une aide discutable – Les aides et subventions gouvernementales donnent aux entreprises de bien mauvais signaux
Les aides et subventions gouvernementales de toutes sortes visent supposément à soutenir les entreprises privées (les entreprises parapubliques étant toujours soutenues en priorité et en continu) face à une concurrence intense ou à des investissements très risqués. Les 470 millions promis à Bombardier l’été dernier apparaissent aujourd’hui négligeables devant les 4 milliards promis à court terme à GM et Chrysler et les multiples milliards que ne manqueront pas de réclamer d’autres entreprises dans bien d’autres secteurs (acier, transport, mines, agriculture, distribution, forêt, tourisme, culture, etc.), affirmant qu’elles sont aussi sinon plus méritantes que GM et Chrysler dont les problèmes structurels datent d’avant la crise actuelle. En fait, la crise est une véritable bénédiction pour GM et Chrysler et leurs partenaires directs!
Les coûts et bénéfices des aides gouvernementales ont toujours les mêmes caractéristiques. Les coûts sont diffus et répartis sur l’ensemble des citoyens et des secteurs de l’économie alors que les bénéfices sont capturés par des groupes d’intérêt, patronaux et syndicaux entre autres, bien identifiés et politiquement influents. Ce sont l’ensemble des décisions d’investissement, de R&D et de production qui sont faussées par ces programmes d’aide: il devient préférable de s’occuper des députés et ministres que de se soucier de sa compétitivité, donc de ses employés, clients, fournisseurs et concurrents. Cette stratégie est la voie royale vers l’inefficacité et la faillite éventuelle, une fois les fonds publics proprement dilapidés.
Pour le moment, les conditions d’accès aux fonds promis à GM et Chrysler, définies par le gouvernement Bush (imité par le gouvernement Harper), constituent une mise en faillite assistée. Le danger, c’est que ces conditions pourraient changer dans l’avenir, le gouvernement américain (et canadien) ayant maintenant les deux pieds dans l’engrenage et le sable mouvant de l’assistance répétée et généralisée. Il aurait mieux valu favoriser une mise en faillite explicite, déjà anticipée mais maintes fois reportée, de GM et Chrysler et la reprise rapide, à des conditions concurrentielles et par des entrepreneurs plus compétents, des personnels nécessaires, carnets de commandes, projets et installations rentabilisables.
J’ai déjà proposé (La Presse, 16 juillet 2008) que la bonne façon d’évaluer le coût anticipé d’une aide gouvernementale serait d’organiser une enchère visant à transférer le contrat d’aide, tant les garanties, prêts et autres déboursés que les remboursements, à une tierce partie du secteur privé. La meilleure offre reçue pourrait exiger une prime ou compensation de N$, montant que le gouvernement devrait inscrire à ses dépenses. Cette sanction transparente par le marché rassurerait l’ensemble des citoyens que leur gouvernement veille à leurs intérêts et ne protège pas des emplois précaires d’aujourd’hui dans certaines entreprises au détriment de meilleurs emplois actuels et futurs dans l’ensemble de l’économie.
Reste l’épineux problème des déficits gargantuesques qu’on nous annonce déjà pour bientôt. N’oublions pas que l’élimination en 1995-97 des déficits au Canada a grandement favorisé par la suite sa performance exceptionnelle et exemplaire au sein du G7. Face à la crise actuelle, une stratégie débridée de déficits, de protectionnisme et de subventions, freinant les ajustements souhaitables dans les prix, les marchés et le tissu industriel, risque surtout de retarder et d’affaiblir le retour à la croissance.
Marcel Boyer is Vice President and Chief Economist of the Montreal Economic Institute.