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Op-eds

Assurance médicaments : les syndicats comprennent-ils vraiment ce qui est en jeu?

Selon des représentants syndicaux, Ottawa commettrait une « grave erreur » s’il devait reproduire le modèle québécois d’assurance médicaments. Pourtant, ce serait une excellente nouvelle si le gouvernement décidait de privilégier le modèle hybride public-privé qui prévaut au Québec. Les syndicats devraient plutôt être soulagés, leurs membres aussi.

Le débat sur la nationalisation de l’assurance médicaments fait rage au Canada anglais : les libéraux fédéraux ont considéré la chose pendant un moment, mais on attend toujours de savoir quel modèle ils mettront en oeuvre.

Depuis un peu plus de 20 ans maintenant, 100 % des Québécois sont couverts par un régime d’assurance médicaments, soit par celui de l’employeur, soit par le régime public. Personne n’est laissé en plan. Le régime public québécois est aussi le plus généreux parmi les régimes provinciaux quant à l’étendue de sa couverture. Ailleurs au pays, la situation varie, mais seul un petit pourcentage de la population n’est pas assuré (1,8 %, selon le Conference Board). En tout, 10 % des Canadiens considèrent que leur couverture s’avère parfois insuffisante et peinent à payer les médicaments dont ils ont besoin.

La réponse rationnelle

Certains diront que dans un pays comme le Canada, c’est encore trop, et ils auront raison. Comment régler le problème? La réponse rationnelle serait de ne pas toucher à ce qui fonctionne plutôt bien, soit le 90 %, et de s’occuper de la partie qui pose problème, soit le 10 %. Cela pourrait se faire en élargissant la couverture publique là où elle fait défaut ou par une autre forme d’aide. Bref, s’il y a des fissures dans un mur, on les colmate; on ne rebâtit pas la maison.

Ce n’est pas ce que proposent les syndicats. Ils veulent plutôt abolir les régimes d’assurance collective pour les remplacer par un régime national public. Ils ont vu un trou dans le mur, et ils veulent rebâtir la maison. Ça, c’est inquiétant.

Leur modèle et leur justification pour un régime étatisé est la Nouvelle-Zélande, où toute la population est assurée et où les médicaments coûtent moins cher qu’ici. C’est un portrait attirant, mais incomplet : la Nouvelle-Zélande est le pays développé où l’on introduit le moins de nouveaux médicaments (le Canada, lui, était 4e parmi la trentaine de pays de l’OCDE en 2015). Les Néo-Zélandais attendent ainsi pour des médicaments qui soignent des conditions courantes et qui sont disponibles ici depuis parfois 15, voire 20 ans.

Bref, le miracle néo-zélandais, c’est le rationnement.

Le régime mixte

Les régimes mixtes, comme celui qui prévaut au Québec, ont d’autres avantages. Le jeu de la concurrence et de la négociation fait en sorte que les régimes collectifs ont avantage à se démarquer du régime public et entre eux, et à offrir une meilleure couverture. Le cas du Spinraza, un médicament très coûteux utilisé pour traiter une maladie rare et cruelle (l’amyotrophie spinale) en est une illustration récente. Au Québec, des assureurs privés ont commencé à offrir le Spinraza via des régimes collectifs un an avant le régime public, qui avait initialement refusé de le rembourser.

Les régimes collectifs incluent aussi une foule de services qui ne font pas partie du régime public (physiothérapie, chiropraxie, psychothérapie, assurances dentaires, etc.). Récemment, des compagnies d’assurance ont même commencé à offrir à leurs bénéficiaires des téléconsultations virtuelles avec un médecin ou infirmière, via un téléphone ou une tablette, à l’intérieur de leur régime d’assurance.

Si le régime public devenait obligatoire, ces couvertures additionnelles disparaîtraient. Peut-être que les travailleurs syndiqués devraient le rappeler à ceux qui les représentent…

En somme un modèle universel public « mur à mur », restreindrait non seulement l’accès aux médicaments, mais les travailleurs syndiqués – et plusieurs autres – ne pourront plus bénéficier de la couverture avantageuse dont ils jouissent actuellement via leurs régimes collectifs. Selon un sondage mené auprès de 3000 Canadiens par Abacus Data en 2018, 87 % d’entre eux affirment qu’ils accordent beaucoup ou énormément d’importance à leur régime d’assurance collective.

Personne ne devrait avoir à se ruiner pour se soigner, et la mutualisation des risques associés à la maladie tombe sous le sens : on n’est pas responsable de son code génétique. Nos régimes d’assurance médicaments sont certainement perfectibles, mais on n’améliorerait pas la situation des plus vulnérables en empirant celle des autres. Avant de démolir la maison, commençons donc par boucher les trous dans le mur.

Patrick Déry is a Senior Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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