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Tarif de 220 % sur la C Series : c’est du protectionnisme

Le département du Commerce américain a tranché en faveur de Boeing dans sa plainte contre Bombardier et imposé des droits compensatoires, qu’on peut comparer à une taxe, de 220 % sur les avions de la C Series vendus aux États-Unis. Ce taux exorbitant représente ce que le département du Commerce américain prétend être nécessaire pour neutraliser l’effet de l’aide financière que Bombardier a reçue récemment.

En effet, l’entreprise aéronautique a bénéficié de deux « prêts » de 350 et 372,5 millions $ du gouvernement fédéral, en plus d’un montant de 1 milliard $US reçu d’Investissement Québec pour la C Series et d’un autre de 1,5 milliard $US de la Caisse de dépôt pour la division ferroviaire. Ceci sans compter les aides totalisant plus de 2 milliards $ reçues lors des décennies précédentes.

Bien que les subventions et aides gouvernementales aux entreprises soient néfastes et qu’il faille trouver une solution pour les encadrer à long terme, la voie empruntée par le département du Commerce américain est tout simplement dévastatrice. Cette forme de protectionnisme, voilée par le lexique des droits compensatoires, vise d’abord et avant tout à protéger le quasi-monopole de Boeing aux États-Unis en érigeant une barrière tarifaire envers les avions de Bombardier. Et comme plusieurs experts l’affirment, il semble que Boeing n’ait pas subi de dommages qui pourraient être compensés, puisqu’elle n’offre pas le type d’avion qui a été vendu à Delta.

L’envers de la course aux subventions

Tous les gouvernements soutiennent d’une façon ou d’une autre leurs constructeurs aéronautiques nationaux, mais l’ampleur du soutien des gouvernements canadiens à Bombardier, qui a été déterminante dans l’avènement de la C Series, voire la survie de Bombardier, amène son lot de problèmes.

L’un d’entre eux est le risque qu’elle amorce une escalade internationale des subventions. D’autres pays ou régions, comme les États-Unis, l’Europe ou la Chine, avec des moyens plus importants que ceux du Canada, pourraient voir les récentes aides à l’entreprise canadienne comme un feu vert pour délier les cordons de leurs bourses, passablement profondes. Dans une telle course, le Canada ne pourrait pas suivre et les parts de marché de l’industrie aéronautique canadienne s’effondreraient.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue qu’on ne corrige pas une mauvaise politique publique par une nouvelle mauvaise politique publique. La course au protectionnisme est tout aussi destructrice, sinon plus, que les soutiens financiers massifs des gouvernements à leurs industries.

De plus, même dans le cas de biens largement subventionnés par un gouvernement étranger, comme c’est le cas des C Series du point de vue américain, le protectionnisme n’a pas de sens économique et se fait au désavantage des consommateurs. Les économistes de tous les horizons sont à peu près unanimes sur cette question. Ceci est d’autant plus vrai, qu’ironiquement, les entreprises aériennes américaines sont les grandes gagnantes des ventes d’appareils C Series au rabais, subventionnées indirectement par le contribuable canadien.

Pour terminer, peu importe ce que l’on pense de l’aide gouvernementale dont a bénéficié Bombardier, il n’y a pas de quoi se réjouir du tarif américain, qui doit fermement être dénoncé comme du protectionnisme pur et simple. Et les politiciens qui voudraient favoriser leurs fleurons doivent bien comprendre que, bien que le département du Commerce américain ait tort, l’incertitude à laquelle font aujourd’hui face les travailleurs de la division C Series est une des malheureuses conséquences de l’aide aux entreprises.

Mathieu Bédard is Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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