La gratuité (pour les garderies), ça coûte cher!
Une commission mise sur pied par les CPE demande qu’on subventionne davantage… les CPE! Dans une société corporatiste, ça n’étonnera personne. Cette fois-ci, on ne demande rien de moins que la gratuité. La Commission sur l’éducation à la petite enfance plaide en effet pour la gratuité des services de garde pour tous les enfants de 0 à 4 ans.
Réglons quelque chose tout de suite : la gratuité est un leurre. Avez-vous déjà essayé de trouver des éducatrices qui ne demandent pas de salaire? (Vous ne vous ferez pas d’amis à la CSN). Des locaux gratuits? Des banques alimentaires pour les repas?
Les soins de santé publics ne sont pas « gratuits », ils coûtent à chaque famille, en impôts, plusieurs milliers de dollars par année. L’éducation universitaire, même si elle devenait « gratuite », ne le serait pas. Les contribuables la financeraient par leurs impôts.
C’est la même chose pour les services de garde. Selon le ministre de l’Éducation, la contribution des parents, qui est modulée en fonction du revenu familial depuis avril 2015, ne permet de financer que 18,5 % des coûts des services de garde subventionnés par Québec. La facture des quelque deux milliards restants, ce sont les contribuables qui la ramassent. Voilà pourquoi la gratuité n’existe pas. Il y a toujours quelqu’un qui paie pour vous si vous ne le faites pas vous-mêmes.
Et on voudrait que la contribution des parents aux services de garde soit de zéro?
Ne soyons pas dupes. Ce n’est pas de gratuité dont il est question ici, mais de subventions plus généreuses. Et vous pouvez vous alarmer puisque ce sera bel et bien vous qui paierez en fin de compte, par vos impôts, cette belle gratuité. Une fois que les gestionnaires, les groupes de pression, la bureaucratie et les syndicats se seront servis…
En faisant le bilan des 20 ans de la politique familiale québécoise, on n’a d’autre choix que de souligner l’explosion des coûts dans les garderies. Le coût par place de garde a augmenté de 118 % depuis 20 ans (votre salaire, probablement pas…). Certes, le nombre de places a augmenté, passant de 82 300 il y a vingt ans à plus de 230 000 aujourd’hui. On a donc pratiquement triplé le nombre de places (par 2,8 exactement). Mais les coûts, eux, ont presque sextuplé (5,65). Imaginez ma surprise de ne rien voir à ce sujet dans le rapport!
Peut-être que les services de garde sont de meilleure qualité aujourd’hui. Mais on les paie aussi plus cher. Et en termes de rapport qualité-prix, le résultat est loin d’être certain. Rappelons aussi une chose : malgré que certaines personnes vantent notre système subventionné comme si c’était la meilleure invention depuis le pain tranché, personne n’a encore jugé bon de copier notre modèle. Il faudrait peut-être se demander pourquoi.
Parce que c’est ça, « l’universalité » dont se réclame le rapport : c’est le système uniforme et inefficace, bureaucratique et déconnecté des besoins des parents qu’on connaît malheureusement trop bien au Québec.
Après la gratuité, quelle sera la prochaine demande? Les CPE réclameront-ils l’obligation de fréquenter la garderie dès 6 mois, question d’avoir une clientèle captive pour nourrir leur corporatisme? Ce serait une très mauvaise nouvelle pour le contribuable, et pour notre société dans l’ensemble.
Cette nouvelle montre encore une fois une chose : nous continuons à payer le prix d’avoir érigé un système qui s’occupe d’abord et avant tout de ceux qui le gèrent au lieu de se préoccuper des parents et des enfants.
Youri Chassin is Economist and Research Director at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.