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Op-eds

Combien coûtent les déficits du gouvernement fédéral?

Pour défendre les déficits du gouvernement fédéral d'environ 30 milliards de dollars par année, l'argument qu'on a souvent entendu était qu'il fallait profiter des taux d'intérêt presque nuls. Ce qui est suggéré, implicitement, c'est que ces emprunts du gouvernement, par exemple pour construire des infrastructures, sont alors presque gratuits. Rien n'est plus loin de la réalité.

Dans une étude sur le sujet, je rappelais que ces emprunts ne sont pas gratuits pour deux raisons. D'abord il faut aussi prendre en compte le fait qu'ils doivent un jour être remboursés et que les impôts coûtent vraiment très cher à la société. Ensuite, je faisais remarquer que, puisque la taille totale de la dette diminue très rarement, voire jamais, il ne faut pas seulement prendre en compte les taux d'intérêt actuels, mais aussi les taux d'intérêt futurs. J'aurais aussi pu inclure les coûts d'entretien : une fois ces infrastructures construites, il faut bien les entretenir!

Une autre façon de calculer le coût des déficits fédéraux est suggérée par le blogueur économique Tyler Cowen, une superstar de l'analyse économique aux États-Unis.

Son raisonnement est le suivant : si ces fonds n'avaient pas été accaparés par le gouvernement, ils auraient été investis dans des projets privés. Si certaines ressources de la société sont redirigées vers les projets du gouvernement, ça veut forcément dire que moins de ressources sont disponibles ailleurs pour les projets privés. En choisissant les projets du gouvernement, on renonce donc à des investissements dans nos compagnies privées.

Pour être capable de chiffrer les coûts de ces dépenses d'infrastructure, Cowen suggère de prendre le taux moyen de rendement des capitaux. Ça nous indique à quel point les projets privés sont rentables. Au Canada la mesure la plus facilement disponible est le taux de rendement des capitaux employés. Sa moyenne sur les 15 dernières années est de 7,2 %.

Pour être valable comme mesure du coût des emprunts du gouvernement, selon Cowen, le chiffre devrait aussi prendre en compte le risque ainsi que l'irréversibilité de l'investissement. En effet, la valeur des investissements du gouvernement n'est pas garantie puisqu'elle dépend fortement du taux de croissance de l'économie. Et, contrairement à beaucoup d'investissements privés, ce que possède le gouvernement ne peut généralement pas être revendu. On l'imagine mal revendre des tronçons de route si l'investissement se déroule mal. D'où le coût de l'irréversibilité. Selon la méthodologie de Cowen, on peut croire que cela porte le coût d'investir dans les infrastructures au Canada à environ 10 %.

Ça veut dire qu'investir dans les infrastructures lorsque les taux d'intérêt sont nuls (ce qui n'est pas encore le cas au Canada) coûterait environ 10 % par année en coûts d'opportunités. On est loin de l'investissement à faible coût dont parlaient certains commentateurs!

Mathieu Bédard is Economist at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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