Anticosti, pipelines et pétrole : la majorité silencieuse se révèle pragmatique
La majorité silencieuse, vous connaissez? C’est la voix moins souvent exprimée, peu écoutée aussi. Pourtant, l’opinion de cette majorité reflète bel et bien un point de vue qu’il faut prendre en compte.
Dans le cas du pétrole québécois, cette majorité silencieuse croit à 54 % que, puisqu’on utilise de l’essence dans nos automobiles et que ce sera le cas pour encore plusieurs années, autant tirer parti de ce qu’on peut produire nous-mêmes. Rappelons que le Québec importe 100 % de ses besoins actuellement. Seulement 23 % des Québécois préfèrent continuer d’importer tout notre pétrole.
Alors que le premier ministre québécois multiplie les déclarations fracassantes et promet de bloquer les investissements des entreprises d’hydrocarbures au Québec, il est intéressant de constater que les Québécois font preuve de pragmatisme. Entre nos ressources, ici, et celles qu’on importe, l’opposition du premier ministre ne correspond pas à l’opinion majoritaire.
En attendant qu’on puisse exploiter le pétrole québécois, le pétrole de l’Ouest canadien apparaît aussi comme le favori dans l’opinion populaire. Ce sont 59 % des Québécois qui préfèrent ce pétrole à celui de l’Algérie, du Mexique ou de l’Arabie saoudite. Chez les partisans du PLQ, dont est issu le premier ministre, cet appui est de 75 %.
Si l’on doit utiliser le pétrole de l’Ouest canadien, comment l’acheminer jusqu’ici? Les pipelines sont perçus comme le moyen de transport le plus sécuritaire par 41 % des Québécois, loin devant les autres moyens de transport du pétrole comme le camion-citerne (14 %), le bateau (10 %) ou le train (9 %).
Les vraies questions
Les questions qui se posent, sachant qu’on utilise du pétrole, sont sa provenance et son transport. C’est ce que reflètent les questions de ce sondage Léger Marketing.
Une grande leçon de l’économie, c’est que tout choix entraîne un renoncement. Choisir, c’est préférer une option plutôt qu’une autre, toujours. En matière d’énergie, les choix sont assez clairs. Même si on souhaite ne plus utiliser de pétrole demain matin, ce n’est pas encore envisageable. Dans ces conditions, il ne faut pas confondre la pensée magique avec une option raisonnable ou envisageable.
Surtout, le débat sur le pétrole (et les pipelines) tombe systématique dans une ornière typique, soit de mélanger la question de la production et celle de la consommation. On peut très bien vouloir diminuer la consommation de pétrole et réduire les émissions de GES sans se priver des retombées économiques positives qui accompagnent l’exploitation de nos ressources. Bref, ni l’exploitation du pétrole québécois, ni les pipelines, ne sont en contradiction avec la lutte aux changements climatiques.
Si l’IEDM avait voulu faire plaisir aux divers groupes qui s’opposent à tout prix au pétrole, à sa consommation comme à sa production, on aurait pu poser la question : « Préférez-vous le pétrole ou les licornes roses? » et on aurait sans doute obtenu des résultats que certains environnementalistes peu scrupuleux auraient trouvés enchanteurs (oui, je suis sarcastique ici…). Cependant, on n’éclaire pas beaucoup les débats de société avec ce genre de questions…
Youri Chassin is Economist and Research Director at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.