Superpétrolier ou pipeline: un paradoxe énergétique
Depuis juillet, du pétrole de l'ouest est acheminé par train au Québec pour être exporté par superpétrolier à partir de Sorel-Tracy. Et dernièrement, une injonction a forcé l'interruption des forages exploratoires du projet de terminal pétrolier de TransCanada jusqu'au 15 octobre.
Rappelons que ce terminal maritime à Cacouna permettrait à TransCanada d'exporter du pétrole provenant notamment des sables bitumineux de l'Alberta dans le cadre de son projet d'oléoduc Énergie Est. En ce moment, les deux provenances principales du pétrole acheminé au Québec sont l'Algérie (28 %) et le Royaume-Uni (16 %). Seulement 12 % du pétrole provient du Canada, principalement des provinces atlantiques.
Quelle énergie les Québécois consomment-ils?
Au-delà des tenants et aboutissants de ces deux dossiers, les questions énergétiques dominent l'actualité québécoise depuis quelque temps. Semaine après semaine, plusieurs inquiétudes et revendications sont exprimées, surtout par rapport au pétrole. Certains groupes vont même jusqu'à proposer de nous « libérer » de l'or noir…
Afin de juger de la pertinence de ces revendications, il importe de présenter une vue d'ensemble du type – et de la quantité – d'énergie que les Québécois consomment. Et également, de l'énergie qu'ils produisent.
D'abord, notons que le Québec a su mettre en valeur ses immenses ressources hydriques. En effet, les barrages comptent pour 96 % de l'électricité produite ici. Toutefois, cette abondante production électrique ne couvre que 40 % de nos besoins. Selon les données du ministère des Ressources naturelles, la majorité (53 %) de l'énergie consommée au Québec provient des hydrocarbures comme le pétrole et le gaz naturel. Le pétrole constitue même le plus important produit d'importation du Québec, à 13,7 milliards de dollars en 2012.
Autre fait qui peut surprendre, la consommation d'électricité par habitant au Québec est la deuxième plus élevée au monde. Les Québécois consomment en moyenne presque deux fois plus d'électricité que les Américains. Seuls les Islandais nous devancent à ce chapitre.
Un paradoxe en matière d'énergie
Ces faits mettent en relief un certain paradoxe. On ne peut à la fois critiquer les trains et les superpétroliers tout en s'opposant aux pipelines. Ce sont deux moyens d'acheminer le pétrole canadien vers les consommateurs. On peut comparer les deux approches, voire en privilégier une plutôt que l'autre, mais s'opposer aux deux revient à nier une réalité fondamentale, soit le fait que nous aussi, nous avons besoin d'énergie et que celle-ci doit venir de quelque part. Or, comme le montre les statistiques actuelles, les hydrocarbures comme le pétrole et le gaz naturel font partie intégrante de la vie des Québécois, et cette situation ne risque pas de changer de sitôt.
Idéalement, les discussions entourant la politique énergétique québécoise, et les solutions proposées devraient tenir compte de l'importance de disposer d'énergie à faible coût, tout en limitant l'impact sur l'environnement.
Youri Chassin is Economist and Research Director at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.