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Les illettrés économiques

Au fil des siècles, les pays traversent des périodes de prospérité et de marasme. De grandes puissances économiques deviennent des brebis galeuses, et vice-versa.

Le cas américain est éloquent. Comment expliquer qu’une économie qui a fait l’envie de toute la planète pendant des décennies connaisse maintenant des difficultés économiques aussi graves que persistantes?

Certes, on peut invoquer la bulle immobilière, l’endettement de Washington, la baisse de la valeur du dollar, etc. Bien que réels, ces phénomènes ne peuvent à eux seuls expliquer la débandade de l’économie américaine. Ils ne sont que l’expression flagrante d’un mal plus profond et largement répandu.

Dans plusieurs pays, mais particulièrement aux États-Unis, la plus grande tragédie n’est ni le chômage ni la récession, mais bien le fait d’être dirigé par un parfait illettré économique!

Barack Obama nous a récemment donné une preuve supplémentaire de son ignorance abyssale des principes économiques les plus élémentaires lors d’une entrevue accordée à la chaîne NBC. Alors que l’animatrice l’interrogeait sur la persistance du chômage en dépit des plans de relance, le président des États-Unis a répondu : « Notre économie connaît des problèmes structurels attribuables au fait que beaucoup d’entreprises ont compris qu’elles peuvent être plus efficaces avec moins de travailleurs. Quand on va à la banque, on utilise le guichet automatique, on ne va pas au comptoir. À l’aéroport, on utilise la billetterie électronique plutôt que de s’enregistrer au comptoir. »

Ainsi, pour M. Obama, le chômage demeure élevé à cause des nouvelles technologies. Le problème, ce serait l’innovation. Vous avez bien lu, l’I-N-N-O-V-A-T-I-O-N! L’efficacité nuirait à l’économie.

Cette affirmation circule depuis longtemps dans les cercles gauchistes, mais il est stupéfiant, déconcertant et carrément terrifiant d’entendre l’occupant de la Maison-Blanche entretenir pareil mythe!

Stupéfiant

Stupéfiant, parce que ce mythe a maintes fois été déboulonné au cours des deux derniers siècles. On peut citer les économistes Frédéric Bastiat au XIXe siècle, ou Joseph Schumpeter et Henry Hazlitt au XXe siècle, mais le gros bon sens suffira.

Il est vrai que les innovations technologiques font disparaître certains emplois. En revanche, n’oublions pas qu’elles ne tom-bent pas du ciel. Il faut des ingénieurs pour les concevoir, des usines pour les produire et des travailleurs pour les transporter, les installer et les entretenir. Autant d’emplois qui doivent leur existence à ces mêmes technologies.

Déconcertant

Déconcertant, car le président des États-Unis devrait savoir mieux que quiconque que la prospérité d’un pays passe obligatoirement par la productivité. Or, rien ne permet d’augmenter la productivité mieux que le progrès technique.

Terrifiant

Terrifiant, parce que si Barack Obama est convaincu que les avancées technologiques augmentent le chômage, il devrait logiquement croire que tout recul technologique permet de créer des emplois. J’ose à peine imaginer le genre de politiques économiques tordues qu’un raisonnement aussi bancal pourrait inspirer!

Il est impossible de maintenir la prospérité avec des politiques qui contredisent les lois fondamentales de l’économie. Or, malheureusement, nous vivons dans une ère où ce sont des illettrés économiques qui prennent les décisions. Et on se demande pourquoi ça va mal?

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.
* This column was also published in Le Journal de Québec.

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