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De mal en pis

Depuis le début de la crise économique, à l’automne 2008, j’ai été très critique par rapport aux mesures de relance annoncées par Washington et à la politique monétaire expansionniste adoptée par la Réserve fédérale, ce qui m’a d’ailleurs valu des reproches de quelques lecteurs, qui m’accusaient de pessimisme et d’exagération.

Il est vrai que mes propos étaient quelquefois incisifs, notamment lorsque j’avais déclaré, en octobre 2008, que les actions de la Réserve fédérale auraient pour effet d’enfoncer les États-Unis dans un profond marasme et de retarder tout espoir de relance; ou, encore, lorsque j’avais écrit que la politique monétaire de Ben Bernanke allait entraîner la dévaluation du dollar américain et faire des États-Unis une république de bananes.

Aujourd’hui, je me rends compte que mes propos étaient inexacts… le contexte actuel est pire que je ne l’avais imaginé, et l’avenir reste sombre!

Certes, les indices boursiers NASDAQ (+ 11,9%), Dow Jones (+ 8,8%) et S&P 500 (+ 6,2%) sont en hausse depuis le 19 octobre 2009, mais il ne faut surtout pas y voir la preuve d’un redressement de l’économie. En effet, on sait que l’or constitue un refuge contre l’inflation (réelle ou anticipée), car il conserve son pouvoir d’achat au fil du temps. Pourtant, au cours de la dernière année, le prix de l’or s’est apprécié de 26,2% en raison des craintes inflationnistes. Les indices boursiers mentionnés précédemment ont donc décliné par rapport à l’or, ce qui n’a rien d’encourageant, surtout dans le contexte d’une croissance économique quasi nulle et d’un taux de chômage qui gravite autour de 10%.

En dépit du triste constat, la Réserve fédérale, qui a injecté plus de 1700G$ dans l’économie, en moins de deux ans, ne semble pas apprendre de ses erreurs et vient d’annoncer son intention d’adopter de nouvelles mesures d’«assouplissement monétaire». En d’autres termes, elle espère relancer son économie grâce à l’impression de monnaie.

Elle fait erreur. Si le manque de liquidités était en cause, les fonds injectés jusqu’à présent auraient dû suffire. Pourtant, l’Amérique ne traverse pas une crise de liquidités, mais de solvabilité. Ce n’est pas la disponibilité des fonds qui pose problème, mais le fait que l’Oncle Sam vit au-dessus des moyens. Par conséquent, faciliter l’accès au crédit est aussi pervers qu’offrir un whisky à un alcoolique en état de manque: on le calme temporairement, mais on aggrave son problème. Dans le contexte actuel, les initiatives de la Réserve fédérale se traduiront par un endettement accru, un dollar qui ne vaudra guère plus que de l’argent de Monopoly, et un appauvrissement collectif.

Cependant, le plus désolant, c’est que les conséquences du suicide économique orchestré par la Réserve fédérale dépassent maintenant les frontières américaines. En effet, en dévaluant délibérément sa devise, l’Oncle Sam a déclenché une véritable «guerre mondiale des devises», dans la mesure où plusieurs pays réagissent à l’expansion monétaire américaine, en dévaluant leur monnaie, ou en envisageant de le faire, dans l’espoir de préserver leurs marchés.

La Réserve fédérale cherche des solutions pour éviter d’avoir à payer le prix de la crise de solvabilité; or, chacune de ses actions occasionne d’autres problèmes et envenime la situation. S’il n’existait aucune solution facile? Peut-être que l’Amérique devrait tout simplement accepter que la fête est terminée, et qu’elle doit maintenant payer pour ses abus, quitte à traverser des moments difficiles avant de connaître des jours meilleurs. Reste à savoir si les autorités monétaires trouveront le courage de livrer pareil message!

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.

* This column was also published in Le Journal de Québec.

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