Relancer la relance
Rien ne va plus aux États-Unis. Le taux de chômage national atteint 9,6%.
Certains États, comme le Nevada, le Michigan et la Californie, battent des records avec des taux de chômage respectifs de 14,3%, 13,1% et 12,3%. Quant au taux de croissance économique annualisé, il a diminué à 1,6% au cours du deuxième trimestre. Face au rendement désolant de l’économie américaine, le président Obama a annoncé de nouvelles mesures de relance visant à allouer 50 milliards de dollars aux infrastructures routières, aériennes et ferroviaires.
Nous aimerions tous pouvoir croire que cette initiative remettra l’Amérique sur la voie de la prospérité. Mais comment ne pas entretenir de sérieux doutes? Après tout, cette somme vient s’ajouter à la kyrielle d’autres programmes «miracles» mis en place depuis le début de la crise. George W. Bush a ouvert le bal en février 2008 en signant un plan de relance de 168 milliards de dollars. Il a ensuite injecté 29 milliards de dollars pour sauver Bear Sterns, 150 milliards de dollars pour AIG, 200 milliards de dollars pour Fannie Mae et Freddie Mac et enfin 700 milliards de dollars pour le sauvetage du secteur financier.
Le président Obama a ensuite pris la relève dès son assermentation. Il compte maintenant à son actif un premier plan de relance en février 2009 (787 milliards de dollars), le programme de «prime à la casse» (3 milliards de dollars), la bonification du régime d’assurance chômage (34 milliards de dollars), l’aide hypothécaire (75 milliards de dollars) et une multitude d’autres programmes qu’il serait trop long d’énumérer ici. Au total, c’est 11 000 milliards de dollars qui ont été dépensés par les autorités fédérales dans l’économie américaine.
Chez nous, c’est le député néo-démocrate d’Outremont, Thomas Mulcair, qui estime que les mesures totalisant 40 milliards de dollars adoptées par Ottawa en janvier 2009 sont insuffisantes. Comme la croissance de l’économie canadienne semble ralentir, il réclame, lui aussi, des mesures supplémentaires pour relancer la relance.
Dégradation continue
Toutefois, à la lumière de l’expérience des deux dernières années, une réflexion s’impose. D’une part, si les plans de relance étaient efficaces, comment expliquer que la conjoncture économique américaine continue de se dégrader en dépit des sommes astronomiques injectées? En réalité, le simple fait de prétendre qu’un autre plan de relance est nécessaire ne vient-il pas confirmer l’échec d’une pareille démarche?
D’autre part, si l’on convient que les plans de relance n’ont pas porté fruit, alors pourquoi songer à en adopter un autre? Si des programmes totalisant 11 000 milliards de dollars n’ont pas réussi à relancer l’économie de l’Oncle Sam, comment le président Obama peut-il prétendre que l’injection de 50 milliards de dollars supplémentaires, soit 0,45% de la somme initiale, remédierait à la situation?
Quel que soit l’angle sous lequel on examine le problème, le gros bon sens nous oblige à conclure qu’à Washington comme à Ottawa, on aurait intérêt à faire preuve de retenue. L’Allemagne, le Portugal, l’Espagne et plusieurs autres pays européens ont compris l’inutilité des plans de relance et préfèrent maintenant opter pour la responsabilité budgétaire.
Acheter ce dont on n’a pas besoin avec de l’argent dont on ne dispose pas dans l’espoir de créer de la richesse, c’est de l’économie-fiction. S’endetter à outrance et faire payer aux générations futures la facture pour les délirantes élucubrations de leaders en mal d’attention, c’est un crime intergénérationnel. Que faut-il donc pour que notre intelligentsia politique en prenne finalement conscience?
Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.
* This column was also published in Le Journal de Québec.