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Le Québec devrait exporter son eau douce

L’eau douce est un produit dont la valeur économique relative a augmenté de manière importante et continuera d’augmenter dans les prochaines années. Elle est ainsi devenue une source grandissante de richesse et une occasion d’investissement de plus en plus intéressante.

L’eau douce accessible représente moins de 1% des stocks d’eau de la planète. Chaque année, l’agriculture en consomme près de 70%, l’industrie, 20%, et les 10% restants servent à la consommation domestique. Au cours du siècle dernier, l’utilisation d’eau douce a augmenté à un rythme deux fois plus élevé que la population.

Nous sommes, au Québec et au Canada tout entier, exceptionnellement riches en eau douce renouvelable, avec respectivement 130 000 et 100 000 mètre cubes d’eau par an et par habitant, comparativement à moins de 10 000 aux États-Unis.

La valeur commerciale de l’eau et la rentabilité des investissements dans les infrastructures nécessaires à sa commercialisation dépendent en définitive du coût de dessalement de l’eau de mer – à terme, la solution de rechange la plus probable et la plus réaliste à l’importation sur de longues distances.

Si le Québec exportait 10% de son eau douce renouvelable et touchait en redevances 10% du prix actuel de l’eau dessalée, le gouvernement encaisserait 6,5 milliards de dollars par an en recettes, soit plus de cinq fois le dividende versé par Hydro-Québec. Des possibilités de création de richesse telles que le Québec devrait s’y intéresser sérieusement.

Les craintes quant à une surexploitation de nos ressources renouvelables d’eau douce pourraient être apaisées par la mise en place d’un cadre juridique et réglementaire adéquat. Il n’est pas nécessaire pour autant d’interdire le commerce de l’eau. De plus, la détermination d’un prix ou de plusieurs prix concurrentiels de l’eau pourrait être un facteur important pour inciter à une utilisation plus efficace et plus économe de l’eau, tant dans les régions où l’eau abonde que dans celles où elle est rare, et tant pour les fournisseurs que pour les utilisateurs.

Il est vrai aussi que l’ALENA pourrait créer et nous imposer de nouvelles contraintes si l’eau douce était commercialisée. Mais ces contraintes qu’imposent les accords internationaux sur le commerce sont globalement créatrices de richesse et de bien-être pour les populations, car elles forcent les entreprises à innover et à devenir plus compétitives; elles limitent aussi le pouvoir discrétionnaire et générateur de distorsions des gouvernements, en particulier dans la manipulation des prix et des marchés.

Le Québec aura besoin d’être imaginatif dans l’exploitation des ressources hydriques dont il est le dépositaire. L’exploitation du potentiel d’exportation d’eau douce du Québec et la protection de l’environnement poseront des défis d’envergure, mais le danger le plus important à l’horizon est la frilosité dont le Québec pourrait faire preuve dans la conception et la mise en oeuvre des mécanismes de gouvernance des grands projets d’infrastructures qui seront nécessaires à cette exploitation.

Marcel Boyer is Vice President and Chief Economist of the Montreal Economic Institute.

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