De mouton noir à brebis galeuse
L’annonce de la fermeture du service des nouvelles de TQS par Remstar a eu l’effet d’une bombe et a déclenché un mouvement d’indignation générale. Un accident nucléaire n’aurait pas suscité davantage d’émotion!
Évidemment, c’est triste de voir 270 professionnels perdre leur emploi. Les travailleurs touchés vivent des moments difficiles, et c’est important de les aider à surmonter cette épreuve et à se trouver rapidement un nouvel emploi.
Mais les réactions qu’on observe vont au-delà de la sympathie. Depuis une semaine, le Québec tout entier proteste contre la décision des frères Rémillard: le milieu des médias se mobilise, les politiques poussent de hauts cris, les syndicats hurlent au scandale, et des «solidaires» déchirent leur chemise.
Il est particulièrement surprenant de constater que des gens, qui n’ont pas la moindre expérience en gestion et qui ignorent tout de l’industrie des médias, n’hésitent pas à faire des déclarations fracassantes sur ce que le futur acquéreur de TQS devrait faire.
Il est également agaçant de voir l’Assemblée nationale tenter d’imposer sa vision à Remstar, alors que notre bon gouvernement reste incapable d’équilibrer son budget sans faire de la comptabilité créative. Soudainement, tout le monde est devenu expert en gestion télévisuelle, et les conseils, qui fusent de toutes parts, visent tous à sauver la salle des nouvelles.
Un tel émoi est-il réellement justifié? S’il était aussi indispensable qu’on veut bien nous le faire croire, le bulletin d’information de TQS aurait attiré des millions de téléspectateurs, la salle des nouvelles aurait été rentable, et la chaîne de télé n’aurait pas été dans un gouffre financier. Mais la réalité est tout autre. TQS est en faillite. Le mouton noir est maintenant une brebis galeuse. Et penser que Remstar pourra sauver le réseau en gardant le même concept relève de la pensée magique.
Profondes mutations
Les nouvelles technologies changent la donne et imposent de profondes mutations au monde de l’information et des médias. Les efforts de Cogeco pour rentabiliser TQS se sont soldés par un échec.
C’est donc utopique d’espérer que Remstar réussira là où son prédécesseur a échoué. Il faut des changements majeurs et il faut accepter qu’une entreprise qui ne se renouvelle pas soit condamnée à l’implosion.
Or, on veut l’argent des frères Rémillard, mais on refuse leurs idées. On leur demande un plan de relance, mais on veut qu’ils préservent le statu quo. On veut qu’ils assument les risques inhérents à l’achat d’une entreprise en faillite, mais on veut prendre les décisions d’affaires à leur place. Il est temps de rompre avec cette mentalité socialisante qui assassine l’initiative!
Les frères Rémillard seront bientôt les nouveaux bergers de TQS. On peut décrier leurs méthodes, on peut compatir avec les travailleurs licenciés, mais il est fondamental de respecter le concept de propriété privée si indispensable au développement d’une société et de laisser les nouveaux acquéreurs libres d’amener le mouton noir paître de nouveaux pâturages, s’ils estiment cela nécessaire.
Quant à tous les bien-pensants qui vilipendent Remstar comme s’il s’agissait de l’incarnation du diable, ils ont manifestement oublié que TQS était sur le point de fermer ses portes en décembre dernier et que c’est précisément ce qui pourrait se produire si leurs démarches devaient faire reculer les nouveaux acquéreurs. Tout le monde accuse les frères Rémillard de détruire des emplois. Pour ma part, j’ai plutôt l’impression qu’ils permettent d’en sauver.
* This column was also published in Le Journal de Québec.
Nathalie Elgrably is an Associate Researcher at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.