Matières à réflexion
Une autre année s’achève. Oublions les résolutions qu’on ne tient pratiquement jamais, mais qu’on prend tout de même par tradition. Pour faire différent, pourquoi ne pas se lancer dans de grandes réflexions «existentielles» et tenter de comprendre les bizarreries, les paradoxes et les incongruités de notre quotidien? En voici quelques exemples.
Pour décourager la consommation de cigarettes, le gouvernement du Québec interdira bientôt l’étalage des produits du tabac à la vue des consommateurs sur les tablettes des commerces. Or, si la vue de cigarettes encourage le tabagisme, celle de l’alcool ne devrait-elle pas inciter à l’alcoolisme? Nos bienveillants fonctionnaires ne devraient-ils donc pas également obliger les succursales de la SAQ à cacher derrière un comptoir tous leurs produits?
Je reçois tous les mois des offres de maisons de crédit disposées à me prêter d’importantes sommes d’argent à des taux dérisoires, voire quasi nuls. Mais où étaient-elles quand j’étais étudiante et que je travaillais au salaire minimum?
Je ne comprends pas l’intérêt d’effectuer un sondage. On demande à 1000 personnes de se prononcer sur un sujet sur lequel elles n’ont aucune expertise, pour ensuite annoncer le résultat comme s’il s’agissait d’une vérité incontestable. Or, il ne faut pas accorder trop d’importance aux sondages. Ils reflètent souvent l’ignorance collective, et non la sagesse du peuple.
Le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, veut obliger les pétrolières à justifier en temps réel chaque hausse du prix de l’essence à la pompe. Mais le prix des fruits et légumes fluctue également d’une semaine à l’autre. Ne faudrait-il pas aussi demander aux commerçants de justifier les variations du prix de leurs produits? Qui sait si la hausse subite du prix des bananes n’est pas le résultat d’un complot orchestré par les multinationales comme Dole ou Chiquita!
Le discours de la gauche est complètement déroutant: d’une part, ils contestent le principe de la responsabilité individuelle; d’autre part, ils défendent celui de la responsabilité collective. Mais si individuellement nous ne sommes jamais responsables de rien, comment pouvons-nous alors être collectivement responsables de tout?
Pourquoi les États-Unis sont-ils désignés comme le mouton noir de l’écologie alors que leurs émissions de GES n’ont augmenté que de 6,6% entre 1997 et 2004, tandis que celles des pays qui ont ratifié Kyoto ont augmenté de 21%?! Mieux encore, les États-Unis étaient probablement le seul pays industrialisé à enregistrer une diminution (oui, oui, une diminution) de ses émissions en 2006!
La ministre veut interdire le cellulaire au volant pour éviter que les conducteurs ne soient distraits. Sans doute est-ce une excellente idée! Mais que compte-t-elle faire contre les autres sources de distractions? Devra-t-on bâillonner les enfants qui se disputent sur la banquette arrière?
Il y a les journées sans achat, sans voiture, sans viande, sans tabac, sans fourrure… Certains ont même réclamé une journée mondiale sans Sarkozy dans les médias. Pourquoi ne pas instaurer une journée qui ferait enfin plaisir à tous: une journée sans taxes ni impôts?
Et pour terminer, une grande énigme de notre temps: pourquoi un emballage de saucisses à hot-dog ne contient-il pas autant d’unités qu’un sac de pains à hot-dog? Comme cela occasionne des pertes, nos fonctionnaires ne devraient-ils pas obliger les compagnies à offrir le même nombre de chaque aliment?
Réfléchir à ces grandes questions, c’est bien. Mais la meilleure chose à faire en cette fin d’année, c’est de célébrer l’arrivée de 2008! Bonne et heureuse année!
* This column was also published in Le Journal de Québec.
Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.