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Le mirage des retombées

La notion de retombées économiques a été tellement galvaudée, quand il s’agit de projets requérant une aide financière gouvernementale, qu’il est fort hasardeux de les défendre sur cette base.

On connaît la chanson: pour justifier une aide financière – curieusement qualifiée d’« investissement » –, un promoteur gonflera les recettes fiscales qui reviendront à l’État grâce à l’«effet multiplicateur» de l’activité économique engendrée par son projet.

Les dépenses initiales rapportent en effet des recettes à l’État. Ces dépenses constituent elles-mêmes des revenus pour d’autres entreprises qui fournissent des biens et services. Ces dernières paient des taxes, en plus de rémunérer leurs employés, qui paient des impôts et qui dépensent le reste. Ces dépenses constituent elles-mêmes des revenus pour des commerçants, et ainsi de suite.

Ainsi, un dollar dépensé semble générer indirectement une activité économique trois ou quatre fois plus importante, avec des recettes correspondantes pour l’État. On oublie toutefois de dire que cette logique peut s’appliquer à n’importe quoi, pas seulement au projet en question. Et que les fonds distribués par l’État, qui ont été prélevés ailleurs dans l’économie, y ont logiquement l’effet inverse: ils conduisent à une réduction proportionnelle de l’activité économique.

Il semble d’autant plus populaire d’invoquer des retombées que l’on a affaire à une activité dont la rentabilité propre est douteuse. Par exemple, la Société générale de financement (SGF) et le ministère de la Culture et des Communications annonçaient récemment des «investissements» de plusieurs millions de dollars dans l’industrie cinématographique. Le gouvernement a peut-être un rôle à jouer dans la promotion du cinéma québécois, mais il est trompeur de justifier les subventions sur la base de leur retombées économiques.

Même certains commentateurs se font prendre. On a ainsi pu lire dans un quotidien montréalais une analyse selon laquelle l’industrie québécoise du film et de la télévision peut rapporter aux gouvernements six fois plus que l’aide qu’ils ont versée. Un véritable pactole! Comment expliquer cela? Le journaliste a simplement comparé l’aide de 235 M$ des gouvernements en 2005 aux recettes d’environ 1,4 G$ qu’ils tirent d’une industrie dont le chiffre d’affaires atteint 4 G$. La rentabilité de l’aide gouvernementale ne fait aucun doute, assure-t-on.

Sauf que ce n’est pas l’ampleur des subventions qui détermine les recettes d’une industrie. Celle du cinéma et de la télé, tout comme n’importe quel autre secteur subventionné, ne doit pas son existence à l’aide publique, mais bien à la valeur de ses produits aux yeux de ses clients. Avec moins de subventions, elle produirait sans doute moins d’oeuvres, mais ceux qui subsisteraient continueraient de générer des recettes fiscales. Et les subventions économisées, qui resteraient dans la poche des contribuables dont elles proviennent, permettraient à ces derniers d’investir ou de consommer davantage, ce qui générerait aussi des recettes fiscales. Bref, les aides financières aux entreprises ont généralement pour effet de déplacer la richesse, non de la créer.

Tant mieux si l’on veut mieux défendre les projets économiques. Mais il faudra expliquer leur bien fondé avec plus de rigueur si l’on veut vraiment convaincre les gens.

Paul Daniel Muller is President of the Montreal Economic Institute.

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