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L’équité salariale

En magasinant le week-end dernier, j’ai constaté une effroyable injustice. Une bijouterie exposait deux bagues ravissantes, mais l’une coûtait 10 fois moins cher que l’autre. Pourtant, elles étaient identiques: même monture, même éclat, même taille. Le bijoutier m’expliqua alors que la pierre qui ornait la bague la plus chère était un diamant, tandis que l’autre était un zircon, une pierre abondante que l’on qualifie souvent de «faux diamant».

Zircon ou diamant, les deux pierres remplissent la même fonction et se ressemblent tant que même un bijoutier chevronné peut difficilement les différencier à l’oeil nu. Malgré tout, les diamants coûtent considérablement plus cher que les zircons.

S’agit-il d’une discrimination envers les zircons? Peut-être devraient-ils se syndiquer? Leur syndicat pourrait alors exiger des acheteurs qu’ils paient le même prix pour les deux pierres. Après tout, n’accomplissent-elles pas une «tâche équivalente»?

On s’en doute bien, l’écart de prix s’explique par la disponibilité de chacune des pierres, et non par l’utilisation qu’on en fait. Les diamants coûtent plus cher que les zircons simplement parce qu’ils sont plus rares.

Je n’oserai jamais comparer un travailleur à une pierre, aussi précieuse soit-elle, mais les salaires aussi dépendent de la rareté.

Les syndicats refusent pourtant de reconnaître ce phénomène. Après la CSN, la FTQ a conclu la semaine dernière une entente sur les hausses de salaires pour les éducatrices des CPE, mais le blocage persiste sur les montants qui iront à l’équité salariale.

Les syndicats semblent bénéficier de l’appui de la population sur cette question. D’ailleurs, qui oserait s’opposer à une valeur aussi noble que l’équité? Mais il ne faut pas se laisser berner par les mots, aussi séduisants soient-ils. On doit analyser le principe qu’ils servent à identifier.

Quatre critères

L’équité salariale exige que l’on compare les emplois en fonction de quatre critères: les qualifications, les efforts exigés, les responsabilités, et les conditions de travail. Si la comparaison révèle que deux emplois sont de valeur égale, les syndicats en concluent qu’ils méritent le même salaire. L’idée est attrayante, mais elle est aussi illogique que de demander que les zircons soient vendus au même prix que les diamants.

Les revendications des syndicats viennent du fait que les emplois à prédominance féminine sont souvent moins bien rémunérés que ceux à prédominance masculine. D’ailleurs, une éducatrice en garderie me faisait remarquer que son salaire est inférieur à celui d’un gardien de zoo. Mais cette observation est-elle suffisante pour crier à l’injustice et invoquer la discrimination?

Les gardiens de zoo touchent un salaire supérieur à celui des éducatrices parce qu’ils sont plus difficiles à recruter. Plus un employeur rencontre de difficultés à combler un poste, plus il offre un salaire élevé pour attirer des travailleurs. Si les emplois féminins sont moins bien payés, c’est notamment parce que la main-d’oeuvre y est habituellement plus facile à trouver. La discrimination n’a rien à y voir.

Il faut également se demander si le métier d’éducatrice et celui de gardien de zoo sont réellement «équivalents». Si c’est le cas, les travailleuses devraient logiquement être capables et disposées à occuper l’un ou l’autre emploi, et l’on pourrait s’attendre à ce qu’elles choisissent celui qui offre le meilleur salaire.

Pourtant, aucune éducatrice n’a jamais quitté son emploi pour devenir gardienne de zoo, et les jeunes femmes qui intègrent le marché du travail continuent à préférer garder des enfants plutôt que des animaux. Je ne vois qu’une explication: les deux emplois ne sont pas équivalents, et les calculs savants des syndicats n’y changeront rien.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute.

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