Revoir la gestion de l’eau
Le débat sur la tarification et la privatisation de l’eau potable a été relancé avec les déclarations récentes des ministres Monique Jérôme-Forget et Thomas Mulcair en faveur, à certains égards, de ce type de réforme. Ce débat mérite d’être tenu, puisque les infrastructures devront rapidement être modernisées de façon à réduire un important gaspillage d’eau et à limiter la hausse des coûts. Certains préjugés, qui n’ont pas de fondement économique, ont toutefois fait dévier ce débat jusqu’ici.
Il est étonnant de constater que les groupes qui militent en faveur de la conservation de l’eau s’opposent à sa tarification. S’il existe une loi économique sur laquelle il y a consensus, c’est qu’une ressource gratuite est surexploitée. Le meilleur moyen de réduire la consommation de l’eau – les Canadiens sont parmi les plus grands consommateurs – et de préserver nos ressources pour l’avenir est d’instaurer une adéquation entre le coût pour l’utilisateur et les bénéfices qu’il en retire.
La tarification peut être mise en place dans un système entièrement géré par le secteur public. Mais l’État doit aussi se demander s’il n’y aurait pas une manière plus efficace et moins coûteuse d’offrir les mêmes services.
Le recours au secteur privé est déjà une réalité dans de nombreux pays industrialisés, plus particulièrement chez nos voisins du sud. Plus de 1000 localités aux États-Unis, dont d’immenses agglomérations comme Chicago et Houston, ont déjà effectué le virage vers le privé. La satisfaction concernant ces partenariats est très élevée. À preuve, 94% des villes américaines qui ont privatisé leurs réseaux d’eau potable ou d’eaux usées recommanderaient leurs entrepreneurs à d’autres villes. Qui plus est, plus de 85% des contrats privés ont été renouvelés avec le même entrepreneur (consultez à ce sujet le site www.rppi.org/water/).
L’intervention du privé peut prendre la forme d’une licence d’exploitation de l’équipement, d’un contrat de renouvellement des infrastructures ou d’un mandat de prestation de services. Dans ce système, l’État garde la propriété de la ressource et la municipalité en reste responsable. Une ou plusieurs sociétés privées se chargent par contrat de la distribution et de l’assainissement de l’eau.
Pour les citoyens, la question de la qualité de l’eau est primordiale. Les normes sont élevées et doivent être scrupuleusement observées par toute entreprise qui intervient dans ce domaine. Mais là encore, le débat est faussé par les préjugés et les peurs de part et d’autre.
Ce n’est pas le fait que la gestion soit publique ou privée qui assure la sécurité et la qualité du produit, mais bien les incitatifs et le cadre réglementaire qui y sont rattachés.
Des gestionnaires publics qui n’ont pas de concurrents et qui ne subissent pas les contrecoups de leurs décisions pourront plus facilement se permettre de gaspiller l’eau et d’être négligents; d’autre part, un entrepreneur sera fortement intéressé à moderniser les infrastructures et à maintenir des standards très élevés, sous peine de bris de contrat et de poursuites, ou encore de pertes financières.
L’élément crucial est d’avoir des gestionnaires responsables de leurs actes et que l’on a incités à prendre les meilleures décisions dans l’intérêt du public.